Ayant actuellement, pour un projet personnel, à me documenter sur l’immigration bretonne aux Etats Unis, j’ai découvert un livre qui pourrait intéresser certains lecteurs du blog. C’est les très bonnes Editions Ouest France qui nous proposent un ouvrage riche sur le sujet : Ces Bretons d’Amérique du Nord. Ce travail est le fruit d’une collaboration de trois auteurs : Josette Jonas, bretonne ayant grandi aux USA, Christian Le Corre écrivain breton ayant l’habitude de collaborer avec cet éditeur et enfin Christiane Jamet morbihannaise ayant passé plusieurs décennies outre-Atlantique. Le livre se fixe pour mission d’explorer l’immigration bretonne du XVIe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle, un beau défi.
I : Des audacieux explorateurs aux entrepreneurs
téméraires
Quand j’ai pris ce livre sur les étagères
de la bibliothèque je pensais en priorité à l’immigration des masses appauvries
des XIXe et XXe siècles. Le livre m’a agréablement surprise en prenant le terme
de Bretons d’Amérique au sens large. Les auteurs ont fait le choix intelligent
de remonter aux explorateurs qui emboîtèrent le pas à Christophe Colomb. Le
livre s’ouvre donc sur le parcours de Jacques Cartier, premier d’une série de
bretons voyant dans cette dangereuse traversée une promesse d’avenir. Il s’agit
là d’hommes principalement issus du monde maritime.
Progressivement
le livre avance dans le temps et s’intéresse à l’immigration motivée par la fuite de la pauvreté, des chercheurs d’or aux migrants de troisième classe passant à Ellis
Island. Néanmoins l’ouvrage n’oublie pas de traiter en parallèle le maintien
d’une immigration aisée qui voit dans la traversée de l’Atlantique une forme d’aventure.
Je vous conseille en particulier la lecture du portrait de la comtesse
Geneviève de Méhérenc de Saint Pierre.
Le
livre s’ouvre aussi sur les bretons d’aujourd’hui ayant fait le choix de
l’immigration. Un "aujourd’hui" à relativiser puisque le livre est sorti en 2005.
L’idée est tout de même intéressante puisqu’il montre que la dynamique
migratoire bretonne s’est transformée sans s’éteindre.
II : Les bretons d’Amérique entre intégration et
attaches culturelles armoricaines
Plusieurs chapitres évoquent, soit
comme thème principal, soit en filigrane les relations avec les racines
bretonnes. N’oublions pas que durant longtemps nos bretons immigrants partent
en n’ayant pour seul bagage culturel une langue régionale et des traditions
qu’ils vont maintenir outre Atlantique. Comme la plupart des immigrés qui
arrivent sur les rivages de l’Amérique, les bretons se regroupent dans
certaines localités. La raison principale est que, souvent, on rejoint de la
famille. Cela permet aussi de passer outre la barrière de la langue et de
limiter ainsi sa perte de repères. Certains enfants de première ou deuxième
génération seront ainsi trilingues (Breton-Français-Anglais).
Au
XXe siècle néanmoins, une partie des migrants doit faire des choix plus
radicaux. La première guerre mondiale précipite ainsi certains hommes à
demander la nationalité américaine pour échapper à la mobilisation. Attention, l’ouvrage rend aussi hommage à tous ceux qui ont répondu à l’appel ou se sont
engagés volontairement dans un corps armé (français, américain ou canadien).
D’autre part, quand il s’agit de scolariser les enfants, on remarque, par
exemple à l’usine Michelin, que les familles bretonnes préfèrent envoyer
directement leurs enfants à l’école publique américaine. Notons pourtant
qu’une école française est proposée sur le site, mais que pour de nombreuses
familles l’intégration semble plus aisée en passant par l’école du pays
accueillant.
Un
partie est aussi consacrée à l’existence des associations et regroupements organisés pour partager la culture du pays natal. Le livre donne de nombreux
exemples de retour au pays, temporaire ou définitif. C’est un volet intéressant
qui démontre que l’immigration se pense toujours en lien avec
la famille restée au pays. Le choix même des noms de ville comme Gourin City
démontre cette ambivalence entre le rêve d’une nouvelle vie et l’attachement au
pays natal.
III : Une fenêtre sur la question de
l’immigration bretonne
Comme
tout livre qui se respecte celui-ci a ses biais et ses défauts. Les chapitres
tournent ainsi parfois au catalogue de portraits et d’anecdotes. Ceux-ci
s’enchaînent au risque de donner parfois le tournis aux lecteurs. On regrettera
aussi que le livre parle assez peu des procédures de départ, des formalités
administratives, obstacle inhérent à la grande traversée. Enfin comme beaucoup de livres écrits par ceux qui ont participé où été le fruit de l’immigration, le livre nous montre quasi-exclusivement les parcours de migrants qui
ont réussi leur pari. Bien sûr il évoque quelques échecs, des retours au pays,
mais presque toujours présentés comme motivés et volontaires. Aucun portrait de
breton ayant brillé dans la grande criminalité ou s’étant illustré par des
faits répréhensibles. Disons qu’il n’y en eut pas, vous me direz qu’on entend
jamais parler d’une mafia bretonne à New York.
Passées ces quelques réflexions personnelles, on ne peut que souligner l’apport de ce
livre comme fenêtre sur le phénomène migratoire breton. Pour les lecteurs du
roman Corentine de Roselyne Bachelot, vous trouverez là un bon moyen de prolonger ses
intéressantes réflexions sur la vague migratoire partie de Gourin. Le livre
offre donc l’opportunité de se pencher sur cette immigration particulière. Le fait de se projeter sur
près de cinq siècles offre une véritable plus-value à l’ouvrage.
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