Comme
annoncé dans un article précédent « L'explorateur Richard Burton, un
ancêtre comme les autres ? », j’ai pu lire la première bande-dessinée
d’Olivia Burton. Celle-ci a consacré un autre ouvrage à sa famille. Cette fois
ci direction sa branche maternelle, des pieds-noirs d’Algérie, qui lui ont
transmis la mémoire du pays perdu. Je vous propose donc de découvrir cette
bande-dessinée qui intéressera aussi bien mes élèves de généalogie que les
futurs bacheliers. Les uns y questionneront la transmission de la mémoire familiale,
les autres y exploreront le chapitre 3 du thème n°4 de leur programme
d’histoire « La France : une nouvelle place dans le monde (1945-1970) ».
I :
L’Algérie en héritage, une terre inconnue si présente
Olivia
Burton a toujours entendu raconter l’Algérie. Ses grands-parents et sa mère ont
quitté le pays dans les tourments de la guerre d’indépendance. Olivia s’est
donc bâti une Algérie rêvée et nostalgique, sans pour autant qu’elle ignore le
sombre nuage qui agitait les repas de famille. La jeune femme n’a jamais vu
cette Algérie mythique, et personne autour de la table n’envisage ni d’y
retourner, ni d’y envoyer la jeune génération. Il est bon de s’arrêter à ce
moment-là de votre lecture du livre d’Olivia. En effet, oublions un instant le
contexte familial propre à l’auteur. Nous sommes nombreux à avoir hérité de
régions, départements, villages que nous n’avons jamais vus. Souvent nous nous
y sommes attaché, mais voulons nous nous vraiment les découvrir ?
N’avons-nous pas peur d’être déçus. Pourtant, invariablement, la quête
familiale du généalogiste l’emmène sur les lieux fréquentés par ses aïeux.
Revenons-en
à Olivia Burton, bercée par les récits de sa grand-mère et élevée par une mère
arrivée à vingt ans en France métropolitaine. Longtemps elle n’a pas compris le
rapport qui unissait sa famille à ce pays envahissant. Olivia aurait aimé avoir
une famille ancrée en France métropolitaine, loin de l’obsession algérienne. Après le décès de sa grand-mère l’idée d’un
voyage en Algérie devient de plus en plus pressante pour découvrir enfin ce
pays qui a façonné une partie de son enfance.
II : Rencontre
avec Djaffar ou la découverte d’une Algérie fracturée
La
bande-dessinée ne relate pas uniquement la guerre d’Algérie et sa mémoire des
deux côtés de la Méditerranée. Le livre va plus loin en proposant aussi un
portrait du pays des décennies après l’indépendance. En effet la famille
d’Olivia fait tout pour la dissuader de partir réaliser ce voyage, car les anciennes
générations sont autant bercées par la nostalgie que par un tableau très sombre
d’une Algérie postcoloniale ravagée par la violence.
Olivia
arrive donc dans un pays secoué par des tensions internes très importantes. Son
seul guide est un contact, Djaffar, un Algérien plus tout jeune, qui lui fait
découvrir son Algérie avec un certain recul. Frère d’une amie de sa mère, il
sert de pont narratif entre l’Algérie française d’avant 1962, et le pays
instable que visite Olivia. Cet homme, incapable de lire l’arabe puisqu’il est
allé à l’école française avant l’indépendance, porte un regard critique sur la
mémoire de la guerre. Il est introduit dans le récit via son réquisitoire
contre le musée des martyrs. Tout au long du voyage, cette figure apporte une
dimension au livre que le seul regard d’Olivia n’aurait pas pu donner.
A la
version de Djaffar s’ajoute celle d’autres habitants du pays, natifs ou non de
ce rivage de la Méditerranée. On en profite pour faire découvrir aussi les
problématiques contemporaines, comme l’éducation des filles, les routes coupées,
les doutes sur l’identité des forces de l’ordre…
La
fille et petit fille de pied-noir, réussit donc, via un récit très personnel, à
faire entendre différentes voix, parfois discordantes. Elle évite ainsi
l’écueil d’un récit autobiographique n’offrant qu’un seul point du vue. Sur des
questions de mémoire aussi primordiales, il est en effet nécessaire d’offrir
aux lecteurs plusieurs pistes de réflexion.
III :
Pied-noir, une identité multiple
La
quête d’Olivia la mène dans les Aurès et dans les villages où ont prospéré ses
ancêtres venus trouver une vie meilleure en Algérie. Entre les souvenirs
familiaux et les traces laissées par le passé, la descendante de ces pionniers
découvre un fossé. La visite des lieux, aussi bien à la campagne qu’à Alger,
provoque surprise et émotion.
Le
passage au cimetière du village, saccagé, dévasté, est un moment particulier
pour les amateurs de généalogie. Ici il n’est pas question d’une concession
reprise trop tôt ou de l’absence de descendant qui provoque la disparition de
cette mémoire minérale. Les pierres tombales ont aussi payé le prix de la
guerre et leur abandon raconte la blessure des familles définitivement séparées
de ces lieux intimes de mémoire.
Au
terme de ses rencontres, Olivia a une discussion intéressante avec son guide,
arrêtez-vous à la lecture sur ce passage. On y perçoit toute la complexité de
définition du pied-noir. Le retour à Paris et la discussion avec sa mère sont
assez éclairants. Olivia a trouvé des réponses et a surtout pu se construire sa
propre vision de l’Algérie.
Si ce
premier travail familial d’Olivia Burton ne vaut pas, à mes yeux, son deuxième
récit « Un anglais dans mon arbre », il reste intéressant. Le retournement
final étant bien plus faible que dans sa bande dessinée sur la branche paternelle
Burton. Quant au graphisme que je n’ai pas évoqué, moi qui suis allergique au
noir et blanc, la quasi absence de couleur ne m’a pas gênée.
C’est une bonne lecture de vacances
pour préparer par exemple « La guerre d’Algérie et ses mémoires »,
axe d’étude suggéré dans le programme de terminale générale. Pour les élèves de
généalogie, il intéressera surtout les personnes ayant leur histoire familiale ancrée
dans la guerre d’Algérie. N’hésitez pas à me conseiller d’autres
bandes-dessinées sur ce thème en commentaire et à laisser votre avis sur celle-ci.
A
bientôt
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire