jeudi 15 avril 2021

Les enfants de Windermere, après les camps, quelle renaissance ?




                J’ai eu l’occasion, récemment, de visionner un téléfilm anglais, Les enfants de Windermere.  Je tiens à vous en parler sur le blog car il va rejoindre la courte liste des œuvres que je conseille à mes élèves pour comprendre l’immédiat après-guerre. Je suis, en effet, toujours un peu embêtée quand j’évoque cette période, que ce soit avec mes élèves en soutien scolaire ou avec ceux de généalogie. On ne manque effectivement pas d’œuvres de fiction ou documentaires accessibles sur la période 1939-1945. Pour la sortie de la guerre, je peine toujours à conseiller des lectures et des films sur cette période. Je pense en particulier à la libération des camps, au devenir des déportés, certains n’ayant parfois connu que cette vie-là.

I : Les enfants de Windermere, l’innocence brisée dans une Europe encore déchirée.

 Windermere est une petite ville au nord de l’Angleterre qui a survécu comme tout le pays aux années de guerre. Non loin du village, une zone a servi à la fabrication d’hydravions durant cette période. En 1945, les lieux sont réquisitionnés, en particulier les baraquements ayant servi à loger les ouvriers. De l’autre côté de l’Europe, on organise la répartition des enfants juifs égarés dans l’enfer des camps. Le Royaume Uni s’est engagé à en prendre 1000 sur son territoire. C’est ainsi que 300 enfants sont envoyés de Prague à Windermere à la fin de l’été 1945. L’arrivée dans la propriété anglaise est un moment très intéressant car les enfants y voient énormément de similitude avec les camps allemands.

Le film nous propose de suivre le parcours de certains de ces enfants, issus d’un groupe où les plus jeunes n’ont que trois ans. Ces destins réels nous permettent de nous questionner sur les traumatismes et leurs conséquences sur les survivants des camps. On comprend ici la difficulté à témoigner et les chemins détournés que doivent emprunter les éducateurs pour aider les enfants à exprimer leur souffrance. Les adultes ont quatre mois pour réadapter ces enfants à la société anglaise, un défi insurmontable ? Il aurait fallu du temps, c’est pourtant une course contre la montre, qui met mal à l’aise tous les encadrants, et peut-être bien le téléspectateur. 

Quelle place pour les villageois anglais, voisins de la structure d’accueil ? Thème, à mon goût trop peu exploré dans le film, on ne parle presque pas de la réaction de la communauté locale. On a bien quelques personnages que je trouve tout de même un peu trop caricaturaux. Ils sont présentés comme méprisants, ignorants et sans compassion. Quand on parcourt les articles sur le sujet on voit au contraire qu’il y eu des tentatives de tisser des liens amicaux de la part de certains jeunes du village.

De façon globale les motivations des personnages sont parfois un peu trop survolées. Il se trouve simplement que le sujet central du film n’est pas là, il se concentre vraiment sur le parcours de reconstruction des enfants. Notons aussi que l’apparence des jeunes acteurs ne rend peut-être pas assez la dureté des conditions que sont censées avoir subi les victimes.

Le film n’ouvre pas simplement une porte sur des parcours individuels qui permettrait de comprendre la tragédie des enfants, il nous questionne sur la reconstruction de l’Europe et la transmission immédiate de l’histoire des camps.

II : Le rôle crucial de la Croix Rouge dans la reconstruction des enfants

 Sur le blog la généalogie a une large place, la quête de l’histoire familiale des enfants est donc très intéressante. Dans ce film nous assistons à l’absence terrible de la famille, non pas de celle qui nous a précédé, mais la famille immédiate. Ces enfants ignorent ce qu’ils sont, des orphelins ? Beaucoup ne savent même pas si leur parents sont morts dans les camps. On assiste donc à l’attente de ces enfants, terrible, qui est la tension principale du film. Ils n’ont aucune prise sur cette recherche. Certains  espèrent, d’autres sont résignés. Le film s’attache à nous présenter différents profils. 

C’est la Croix Rouge qui est en charge de ce travail dans une Europe en plein chaos. Les amateurs de généalogie n’ignorent pas que l’association n’a pas un rôle uniquement sanitaire. Les archives, aujourd’hui consultables sous conditions, nous permettent de retracer les parcours de nos aïeux prisonniers de guerre par exemple. Une des missions de la Croix Rouge est donc aussi de permettre aux familles de pouvoir situer leurs différents membres concernés par un conflit. Le film ouvre donc une petite fenêtre sur ce travail de fourmi, souvent décevant pour ces enfants qui placent toute leurs espérances dans ces lettres qui arrivent à Windermere.

Si je ne m’étends pas plus sur le film, pour ne pas vous gâcher la découverte que vous pourriez en faire, j’aimerai m’attarder encore un peu plus sur cette période.

III : Quels supports pour mieux comprendre la destinée des enfants de Windermere ?

 Comme je l’indiquais au début de cet article, je peine à trouver des supports pour parler de l’après-guerre. Il y bien eu deux films récents sur le sujet Les oubliés, sur le déminage des plages par les jeunes prisonniers de guerre allemands, ou encore Cœurs Ennemis, sur l’occupation de Berlin par les alliés. Je ne les trouve pas particulièrement adaptés aux collégiens par exemple. Plus anciennement nous avions aussi Berlin année zéro, film presque contemporain aux événements qu’il raconte. S’il est marquant c’est un film très particulier qui demande à être bien expliqué avant et après le visionnage.  

Avec Les enfants de Windermere, on offre une forme de conclusion à une des thématiques des plus développées dans l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale : la déportation des juifs.  Le résumé m’a immédiatement fait penser au film La maison de Nina. Cette fiction française ne s’appuyait pas sur des parcours réels comme le film anglais. Elle témoignait néanmoins de la création des maisons d’enfants en France. Il est à noter une spécificité qui rendait les relations entre les personnages beaucoup plus dures, on y avait mélangé des enfants cachés qui avaient échappé à la déportation et les adolescents revenus des camps. Plus dur, plus long, plus complexe le film reste néanmoins abordable et complémentaire.

Pour ceux qui se questionnent sur le rôle du Royaume Uni dans le sauvetage des enfants juifs je conseille le très bon roman  Vis, et sois heureuse, Ziska ! de Anne Charlotte Voorhoeve. Là vous changerez d’époque puisque vous serez dans l’immédiat avant-guerre. Vous y découvrirez le système des kindertransport, qui permirent à des centaines d’enfants juifs d’échapper à l’enfer de la guerre qui s’annonçait. Comme souvent dans la collection Millézime de Bayard, ces ouvrages classés en jeunesse plaisent autant aux adolescents qu’à leurs parents. 

Vous l’aurez compris, je vous conseille vraiment de profiter de la disponibilité des enfants de Windermere en replay pour étoffer vos connaissances sur cette période. Si vous connaissez de bons livres ou films sur l’Europe de 1945/1946 je suis preneuse de références, n’hésitez à m’en faire part en commentaire.



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