Comme promis lors de notre dernier article, nous allons parler de Babar. Que vient donc faire ce pachyderme sur mon petit blog ? Nous allons évoquer aujourd’hui un livre que j’ai lu récemment La splendeur des Brunhoff d’Yseult Williams, initialement publié chez Fayard. Vous verrez que, parmi mes lecteurs, il pourrait intéresser aussi bien les élèves de lycée, les apprentis généalogistes que les parents. A Cécile, Jean et Laurent de Brunhoff nous devons Babar, pourtant la famille a compté d’autres illustres membres. L’ensemble du clan Brunhoff méritait effectivement un livre qui nous permet de traverser près d’un siècle d’histoire de France.
I : Babar le plus illustre des descendants Brunhoff ?
Comment en suis-je
venue à cette lecture ? La situation sanitaire ne facilitant pas mes
activités professionnelles il m’arrive en parallèle de garder des enfants. Avec
eux j’aime développer des thématiques sur plusieurs jours. Avec deux petits
lecteurs me voici donc partie dans les vingt tomes de Babar qu’il me restait
sur mes étagères. Quand j’attaque une thématique avec les enfants ou des élèves
je m’attache généralement à me plonger dans ce thème. Lectures, reportages,
articles… Or en lisant les aventures de Babar, je me suis souvenue avoir un
jour vu un livre sur les Brunhoff. Ni une ni deux, j’ai déniché le volume en
question bien décidée à comprendre les origines de l’éléphant en costume vert.
J’ai vite
déchanté, pas trace de Babar dans les premières pages, sa naissance n’est
évoquée qu’au seizième chapitre. J’ai pris mon mal en patience et plus
j’avançais, plus l’histoire de cette famille me passionnait. Sur trois
générations nous suivons le parcours de cette surprenante dynastie de 1883 à
1958. Car, si Babar apparaît en 1931 sur les rayonnages des librairies, il n’est
qu’une réalisation parmi la foule des travaux des Brunhoff. Ici la généalogie contemporaine de la
famille, parfois entourée de légende et de mystère, est importante pour
comprendre les clefs du succès de l’ouvrage de jeunesse. Babar c’est aussi une
œuvre d’art rentable, celle de Jean de Brunhoff peintre emporté à 37 ans par la
maladie. Si je connaissais son nom, qui figure sur les sept premiers albums,
j’ignorais l’implication de toute la famille sans qui, on peut le penser, Babar
serait resté une petite histoire familiale dans un cahier d’écolier.
Il est probable que de nombreux lecteurs
arrivent dans les pages de cet ouvrage grâce au roi des éléphants. Visiblement
lors de la parution du livre en format poche, l’éditeur l’a bien compris
puisqu’il a ajouté Babar sur une photo de famille en noir et blanc.
II : Les Brunhoff dans le grand bain de l’histoire
Les
Brunhoff c’est l’histoire d’une famille qui veut absolument faire oublier ses
origines d’outre Rhin. Le livre s’ouvre sur la jeunesse parisienne du
patriarche Maurice, né à Wiesbaden.
Celui-ci épouse Marguerite une alsacienne, dont la famille a choisi, après la guerre
de 1870, de s’installer à Paris. Ils n’auront donc de cesse de s’affirmer comme
français dans une époque où il ne fait pas bon être lié à la Prusse puis à
l’Allemagne. Maurice va se démener, des deux côtés de l’Atlantique pour réussir
dans le domaine qu’il affectionne : l’édition. Le monde du livre est déjà
présent lors de la genèse de la fortune familiale.
Du
couple originel nous suivons la vie mais aussi et surtout de celle de leurs quatre
enfants : Cosette, Jacques, Michel et Jean (le futur papa de Babar). La
famille Brunhoff nous ouvre une fenêtre dans les coulisses de l’histoire
artistique et journalistique de la première moitié du XXe siècle. Les voici qui
croisent les grands artistes des Ballets Russes, mais aussi Picasso,
Apollinaire… Ils fondent alors la Gazette
du bon ton une revue de mode et de culture. C’est dans ce domaine que vont
s’illustrer les Brunhoff, mais d’abord la Grande Guerre va venir bouleverser
leur vie. Engagés, blessés mais vivants, nous suivons leurs guerres, surtout
celle de Jean qui devra poursuivre son service militaire après l’armistice.
Le livre
s’attarde ensuite sur l’entre-deux-guerres. D’une part en suivant les
entreprises de la famille nous suivons l’évolution du monde de la mode. D’autre
part nous voyons aussi se dessiner le paysage politique dans lequel germera la
Seconde Guerre mondiale. C’est au cours de ces années instables que Maïco, la
fille de Cosette, fait ses armes de journaliste. Elle augure ainsi d’une
troisième génération des Brunhoff tout aussi décidée à conquérir le monde que
les précédentes. On lui doit les premiers clichés du camp de Dachau dès 1933. Les
Brunhoff sont alors aux manettes de plusieurs grandes revues : Vu, Vogue, Le jardin des modes. C’est l’époque
des collaborations avec Capa, Cartier-Bresson, Chanel, Dior…
Quand la
guerre arrive le clan Brunhoff représente assez bien les différentes voies de
résistance qui s’offrent alors. Michel reste à Paris et passera la guerre à éviter
de travailler pour la presse contrôlée par les nazis. Cosette et son mari
Lucien, sur liste noire, passent la guerre aux Etats Unis tout en essayant de
trouver un moyen de servir la France Libre. Pascal, fils aîné de Michel, et sa cousine
Maïco s’engagent dans une résistance active en France. Ils seront arrêtés et connaîtront
des destins terribles. De New York à Auschwitz, les Brunhoff vivent une guerre
bien différente.
Au sortir de
la guerre, la famille brisée par les morts, déportations, faillites, voit la
fin de la splendeur dans le sens où le monde a trop changé pour la deuxième génération.
L’incompréhension s’installe parfois entre les parents et les enfants dans un
paysage politique en reconstruction. Les jeunes se lancent dans des voies différentes :
la médecine, la prêtrise, le cinéma, la sculpture, la politique. Les Brunhoff
dans l’édition ne sont plus la majorité. Je comprends le choix d’Yseult
Williams de s’arrêter avec la mort de Michel (1958) car c’est effectivement la
fin d’une époque. Au point où nous en étions nous n’aurions pas fait la fine
bouche pour quelques chapitre de plus sur l’aventure de Babar entre les mains
de Laurent qui a repris le travail de son père. On aurait aussi aimé en savoir
plus sur la carrière politique de Maïco, la résistante d’Auschwitz, figure
politique de la seconde moitié du siècle. Vous la connaissez sûrement sous le
nom de Marie Claude Vaillant-Couturier. J’ignore aussi pourquoi la branche de
Jacques de Brunhoff est si peu évoquée.
III : De l’intérêt de se pencher sur l’histoire des Brunhoff
Vous
aurez compris que je trouve le livre très riche. C’est bien mais l’objectif de
ce blog, parmi d’autres, c’est de vous présenter
des lectures et des outils que vous soyez élèves, parents ou généalogistes
amateurs.
-
Pour les
généalogistes amateurs : Certes la famille des Brunhoff est un peu
hors normes, ils ont laissé de très nombreuses traces dans les archives, les
mémoires rédigés pas ceux qui les ont croisés, les journaux qu’ils ont écrits
ou affrontés. Cela nous offre tout de même un exemple sur la façon de raconter l’histoire
d’une famille, de traiter en parallèle les différentes générations tout en
offrant des chapitres particuliers à certains membres de la famille. Précisons que
l’auteur n’est pas lié aux Brunhoff, la démarche est donc différente de la vôtre
si vous souhaitez vous lancer dans l’écriture de votre saga familiale.
-
Pour les
lycéens : Voici un ouvrage bien pratique pour les élèves de première
et terminale. En une lecture on traverse une grande partie du programme d’histoire.
Vous aurez ainsi une mine d’exemples originaux pour illustrer vos dissertations
sur de nombreux sujets. Un bon apport pour la culture générale car on touche
une foule de domaines : histoire des arts, de la presse, des guerres
mondiales… Attention c’est une lecture assez longue.
-
Pour les
parents : Je trouve toujours intéressant de savoir d’où vient ce qu’on
lit aux enfants. Vous verrez que
quand vous lirez le même album pour la quinzième fois, après avoir découvert
les motivations et les conditions de sa création vous porterez un nouveau
regard. N’oubliez pas que vous pouvez faire aussi de l’éveil musical autour du
roi des éléphants en vous penchant sur l’adaptation musicale du premier tome
réalisée par le compositeur Francis Poulenc (Sur Nantes disponible au rayon audiolivre
à la bibliothèque Jacques Demy et à Floresca Guépin). Ça vous changera de
Pierre et le loup.
Nous voilà
arrivé au terme de cet article, j’espère vous avoir donné envie de parcourir
cette biographie familiale. Évidemment c’est un livre que je recommande à tous
les passionnés d’histoire, vous passerez à coup sûr un excellent moment. Il
vous faudra peut-être quelques chapitres pour accrocher et vous familiariser
avec les différents membres de la famille mais cela vaut le coup de persévérer.
Je vous
souhaite une bonne lecture à tous. Le livre est disponible en grand et petit
format chez vos libraires et, pour les nantais, à la médiathèque Jacques Demy.
A bientôt,
nous parlerons d’un album documentaire ludique pour les enfants de primaire.
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