jeudi 21 janvier 2021

La splendeur des Brunhoff, au delà de la genèse de Babar

 


                Comme promis lors de notre dernier article, nous allons parler de Babar. Que vient donc faire ce pachyderme sur mon petit blog ? Nous allons évoquer aujourd’hui un livre que j’ai lu récemment La splendeur des Brunhoff d’Yseult Williams, initialement publié chez Fayard. Vous verrez que, parmi mes lecteurs, il pourrait intéresser aussi bien les élèves de lycée, les apprentis généalogistes que les parents. A Cécile, Jean et Laurent de Brunhoff nous devons Babar, pourtant la famille a compté d’autres illustres membres. L’ensemble du clan Brunhoff méritait effectivement un livre qui nous permet de traverser près d’un siècle d’histoire de France.

I : Babar le plus illustre des descendants Brunhoff ?   

Comment en suis-je venue à cette lecture ? La situation sanitaire ne facilitant pas mes activités professionnelles il m’arrive en parallèle de garder des enfants. Avec eux j’aime développer des thématiques sur plusieurs jours. Avec deux petits lecteurs me voici donc partie dans les vingt tomes de Babar qu’il me restait sur mes étagères. Quand j’attaque une thématique avec les enfants ou des élèves je m’attache généralement à me plonger dans ce thème. Lectures, reportages, articles… Or en lisant les aventures de Babar, je me suis souvenue avoir un jour vu un livre sur les Brunhoff. Ni une ni deux, j’ai déniché le volume en question bien décidée à comprendre les origines de l’éléphant en costume vert.

J’ai vite déchanté, pas trace de Babar dans les premières pages, sa naissance n’est évoquée qu’au seizième chapitre. J’ai pris mon mal en patience et plus j’avançais, plus l’histoire de cette famille me passionnait. Sur trois générations nous suivons le parcours de cette surprenante dynastie de 1883 à 1958. Car, si Babar apparaît en 1931 sur les rayonnages des librairies, il n’est qu’une réalisation parmi la foule des travaux des Brunhoff.  Ici la généalogie contemporaine de la famille, parfois entourée de légende et de mystère, est importante pour comprendre les clefs du succès de l’ouvrage de jeunesse. Babar c’est aussi une œuvre d’art rentable, celle de Jean de Brunhoff peintre emporté à 37 ans par la maladie. Si je connaissais son nom, qui figure sur les sept premiers albums, j’ignorais l’implication de toute la famille sans qui, on peut le penser, Babar serait resté une petite histoire familiale dans un cahier d’écolier.

 Il est probable que de nombreux lecteurs arrivent dans les pages de cet ouvrage grâce au roi des éléphants. Visiblement lors de la parution du livre en format poche, l’éditeur l’a bien compris puisqu’il a ajouté Babar sur une photo de famille en noir et blanc.



II : Les Brunhoff dans le grand bain de l’histoire

                Les Brunhoff c’est l’histoire d’une famille qui veut absolument faire oublier ses origines d’outre Rhin. Le livre s’ouvre sur la jeunesse parisienne du patriarche Maurice, né à  Wiesbaden. Celui-ci épouse Marguerite une alsacienne, dont la famille a choisi, après la guerre de 1870, de s’installer à Paris. Ils n’auront donc de cesse de s’affirmer comme français dans une époque où il ne fait pas bon être lié à la Prusse puis à l’Allemagne. Maurice va se démener, des deux côtés de l’Atlantique pour réussir dans le domaine qu’il affectionne : l’édition. Le monde du livre est déjà présent lors de la genèse de la fortune familiale.

                Du couple originel nous suivons la vie mais aussi et surtout de celle de leurs quatre enfants : Cosette, Jacques, Michel et Jean (le futur papa de Babar). La famille Brunhoff nous ouvre une fenêtre dans les coulisses de l’histoire artistique et journalistique de la première moitié du XXe siècle. Les voici qui croisent les grands artistes des Ballets Russes, mais aussi Picasso, Apollinaire… Ils fondent alors la Gazette du bon ton une revue de mode et de culture. C’est dans ce domaine que vont s’illustrer les Brunhoff, mais d’abord la Grande Guerre va venir bouleverser leur vie. Engagés, blessés mais vivants, nous suivons leurs guerres, surtout celle de Jean qui devra poursuivre son service militaire après l’armistice.

Le livre s’attarde ensuite sur l’entre-deux-guerres. D’une part en suivant les entreprises de la famille nous suivons l’évolution du monde de la mode. D’autre part nous voyons aussi se dessiner le paysage politique dans lequel germera la Seconde Guerre mondiale. C’est au cours de ces années instables que Maïco, la fille de Cosette, fait ses armes de journaliste. Elle augure ainsi d’une troisième génération des Brunhoff tout aussi décidée à conquérir le monde que les précédentes. On lui doit les premiers clichés du camp de Dachau dès 1933. Les Brunhoff sont alors aux manettes de plusieurs grandes revues : Vu, Vogue, Le jardin des modes. C’est l’époque des collaborations avec Capa, Cartier-Bresson, Chanel, Dior…   

Quand la guerre arrive le clan Brunhoff représente assez bien les différentes voies de résistance qui s’offrent alors. Michel reste à Paris et passera la guerre à éviter de travailler pour la presse contrôlée par les nazis. Cosette et son mari Lucien, sur liste noire, passent la guerre aux Etats Unis tout en essayant de trouver un moyen de servir la France Libre. Pascal, fils aîné de Michel, et sa cousine Maïco s’engagent dans une résistance active en France. Ils seront arrêtés et connaîtront des destins terribles. De New York à Auschwitz, les Brunhoff vivent une guerre bien différente.

Au sortir de la guerre, la famille brisée par les morts, déportations, faillites, voit la fin de la splendeur dans le sens où le monde a trop changé pour la deuxième génération. L’incompréhension s’installe parfois entre les parents et les enfants dans un paysage politique en reconstruction. Les jeunes se lancent dans des voies différentes : la médecine, la prêtrise, le cinéma, la sculpture, la politique. Les Brunhoff dans l’édition ne sont plus la majorité. Je comprends le choix d’Yseult Williams de s’arrêter avec la mort de Michel (1958) car c’est effectivement la fin d’une époque. Au point où nous en étions nous n’aurions pas fait la fine bouche pour quelques chapitre de plus sur l’aventure de Babar entre les mains de Laurent qui a repris le travail de son père. On aurait aussi aimé en savoir plus sur la carrière politique de Maïco, la résistante d’Auschwitz, figure politique de la seconde moitié du siècle. Vous la connaissez sûrement sous le nom de Marie Claude Vaillant-Couturier. J’ignore aussi pourquoi la branche de Jacques de Brunhoff est si peu évoquée.

III : De l’intérêt de se pencher sur l’histoire des Brunhoff

                Vous aurez compris que je trouve le livre très riche. C’est bien mais l’objectif de ce blog, parmi d’autres, c’est  de vous présenter des lectures et des outils que vous soyez élèves, parents ou généalogistes amateurs.

-          Pour les généalogistes amateurs : Certes la famille des Brunhoff est un peu hors normes, ils ont laissé de très nombreuses traces dans les archives, les mémoires rédigés pas ceux qui les ont croisés, les journaux qu’ils ont écrits ou affrontés. Cela nous offre tout de même un exemple sur la façon de raconter l’histoire d’une famille, de traiter en parallèle les différentes générations tout en offrant des chapitres particuliers à certains membres de la famille. Précisons que l’auteur n’est pas lié aux Brunhoff, la démarche est donc différente de la vôtre si vous souhaitez vous lancer dans l’écriture de votre saga familiale.

 

-          Pour les lycéens : Voici un ouvrage bien pratique pour les élèves de première et terminale. En une lecture on traverse une grande partie du programme d’histoire. Vous aurez ainsi une mine d’exemples originaux pour illustrer vos dissertations sur de nombreux sujets. Un bon apport pour la culture générale car on touche une foule de domaines : histoire des arts, de la presse, des guerres mondiales… Attention c’est une lecture assez longue.

 

-          Pour les parents : Je trouve toujours intéressant de savoir d’où vient ce qu’on lit aux enfants. Vous verrez que quand vous lirez le même album pour la quinzième fois, après avoir découvert les motivations et les conditions de sa création vous porterez un nouveau regard. N’oubliez pas que vous pouvez faire aussi de l’éveil musical autour du roi des éléphants en vous penchant sur l’adaptation musicale du premier tome réalisée par le compositeur Francis Poulenc (Sur Nantes disponible au rayon audiolivre à la bibliothèque Jacques Demy et à Floresca Guépin). Ça vous changera de Pierre et le loup.

 


Nous voilà arrivé au terme de cet article, j’espère vous avoir donné envie de parcourir cette biographie familiale. Évidemment c’est un livre que je recommande à tous les passionnés d’histoire, vous passerez à coup sûr un excellent moment. Il vous faudra peut-être quelques chapitres pour accrocher et vous familiariser avec les différents membres de la famille mais cela vaut le coup de persévérer.

Je vous souhaite une bonne lecture à tous. Le livre est disponible en grand et petit format chez vos libraires et, pour les nantais, à la médiathèque Jacques Demy.

A bientôt, nous parlerons d’un album documentaire ludique pour les enfants de primaire.

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