L’anthroponymie, voici une science qui devrait intéresser
tout généalogiste. Il s’agit, selon le Larousse, de « l’étude de
l'étymologie et de l'histoire des noms de personnes ». Le nom de famille, en
France, devient une habitude héréditaire vers le XIVe siècle, sans que ce ne
soit encore le cas partout comme le rappelle Anne Lefebvre-Teillard dans son
très intéressant article « Le nom
propre et la loi ». Il est le squelette de nos recherches
généalogiques, il définit les groupes familiaux, hérité du père et/ou de la
mère selon les époques et les circonstances. Pourtant, plus nous remontons,
plus nous réalisons qu’il est instable et que l’on peut en changer selon les
aléas de la vie.
Un nom de famille qui vous apostrophe
dans votre généalogie ? Une modification de l’orthographe ? Voici une
liste de questions que vous pouvez vous poser si un patronyme et sa forme vous
interpellent. Nous allons nous questionner sur ces changements volontaires ou
non, produits parfois par la relation à l’écrit de nos aïeux ou encore dus à l’identité
du déclarant.
Question
n°1 : Ce nom pourrait-il avoir porté préjudice à votre ancêtre ?
Première option, ce nom que vous venez
de trouver a été légalement et volontairement changé suite à une démarche de
votre aïeul. Voici pourquoi cet arrière-arrière-grand-père a un nom différent
de celui de son fils. Comme le rappelle
la courte vidéo d’Archives & Culture « Les changements de noms de famille », on peut, via une procédure changer de nom, totalement ou partiellement. Attention plus vous remontrez le temps, plus le changement de nom se fait facilement, je vous renvoie à l’article d’Anne Lefebvre-Teillard, cité plus haut, pour les détails législatifs du changement de nom à travers le temps.
J’en conviens, je ne commence pas ici
par le cas le plus courant, mais le plus légal. Si votre ancêtre a fait une
démarche auprès de l’administration, car son nom pouvait lui causer du tort, direction
Gallica, pour consulter le Journal Officiel. Serait-ce si étonnant qu’un nom
difficile à porter se soit noyé dans l’oubli et que plus personne ne s’en
souvienne lors des repas de famille ?
Question n°2 : Votre ancêtre savait
il lire ?
La question vous semble peut-être nous
éloigner du sujet. Pourtant, convenez en, un ancêtre qui ne sait pas lire aura
bien du mal à contester une erreur dans la transcription de son nom lors de la
relecture de l’acte. La déclaration a longtemps été orale, il y a donc une
liberté d’interprétation du curé ou de l’officier d’état civil. Vous pouvez en
faire rapidement l’expérience. Installez quatre personnes autour d’une table et
dictez quelques noms de famille qui leur sont inconnus, vous aurez peut-être
bien quatre formes différentes.
Pour
connaître la relation de votre ancêtre à l’écrit, vous pouvez vous tourner vers
l’enquête globale de Louis Maggiolo (réalisée dans les années 1880), bien que
la méthode adoptée par ce recteur ait quelques failles. Elle reste une étude
immense sur le degré l’alphabétisation en France sous l’Ancien Régime. De façon
plus précise, deux supports peuvent rapidement vous renseigner :
-
Les signatures
en bas des actes : C’est un support facile à utiliser, mais attention
certains ancêtres qui savaient lire peuvent de pas savoir ou pouvoir signer.
Ils passeront donc entre les mailles de votre filet.
-
Les fiches
matricules : Il faut se référer au niveau d’instruction.
Votre ancêtre n’a donc pas forcément pu
vérifier l’écriture. Un autre écueil lié à cette déclaration orale existe, la
barrière de la langue.
Question n°3 : Votre ancêtre
s’exprimait-il couramment en français ?
La
question est importante, si le déclarant et le rédacteur de l’acte ne parlent
pas la même langue, il y a des chances que le nom soit encore plus changeant.
Un patois ou une langue régionale est parfois difficile à retranscrire « à
l’oreille » en français. On trouve en Bretagne de nombreux noms de famille
qui intègrent le fameux « c’h », qui a du faire s’arracher les
cheveux à quelques officiers d’état civil car sa prononciation est plus proche
de notre « r » que du « ch » français.
De
ce problème de compréhension, découlent deux situations :
-
Certains noms ont
été traduits phonétiquement et chaque transcripteur y est allé de ses
préférences, on se retrouve avec des noms issus d’une même branche totalement
différents. J’ai eu bien du mal avec un nom dont la prononciation est
probablement à l’origine des multiples variantes : LALLOURET, HALLAOURET
L'ALLAOURET, LALOURET… Vous noterez ici l’apparition et la disparition de
certaines syllabes.
-
Certains noms ont
vu finalement l’orthographe des actes prendre le dessus : C’est par
exemple le cas du nom HERGOUARCH qui a
souvent perdu son apostrophe, qu’on retrouve sous d’autres formes comme
HERGOUALC'H. Essayez donc de prononcer ça si vous n’êtes pas bretonnant !
Je vous laisse imaginer l’officier d’état civil quand il n’avait pas de support
écrit auquel se référer.
J’ai pris ici le cas de la langue
régionale, mais vous trouverez aussi ces changements pour les personnes venues
de l’étranger lorsqu’ils ne possédaient pas de document donnant un exemple de
transcription. Vous pouvez à ce propos lire le court papier d’Albert Dauzat,
sur Persée, qui se penche sur un nom tchèque et son origine franco-allemande :
Dauzat Albert.
Vermouzek < Marmouset, nom de famille tchèque. In: Revue Internationale
d'Onomastique, 6e année N°4, décembre 1954. p. 314.
La
différence de langue entre le déclarant et l’administration peut parfois aussi
entraîner plus qu’un simple changement de lettre, d’accent ou de syllabe.
Certains noms sont traduits. Dans mon arbre, j’ai par exemple des MANACH qui
deviennent parfois des LE MOINE, une femme qui selon les actes s’appelle LE
BRAS ou LE GRAND (je croise ces cas au XVIIIe). Pensez donc à vous munir d’un dictionnaire
en cas de région ayant deux langues, ou lors d’une émigration d’un de vos
aïeux.
Question n°5 : Ce nom peut-il
s’écrire en plusieurs parties ?
Parfois
les noms changent pour une autre raison, ils sont redécoupés. Je m’explique.
Mes LEROUX peuvent s’orthographier LE ROUX, mes GAC sont parfois des LE GAC. Un
de mes cousins, lors d’une de mes premières conversations téléphoniques,
s’était étonné de l’ajout de ce LE. Il s’agit pourtant bien de la même famille.
Poussons l’exemple de ce redécoupage un peu plus loin. Un de mes élèves, en
remontant sa lignée agnatique (d’homme en homme), a découvert que le nom de
DEMANGE n’était en effet qu’un morceau du patronyme d’origine. Son aïeul
Augustin JEANDEMANGE né en 1745, est le fils de Jean Nicolas JEANDEMANGE. A son
décès Augustin ne s’appelle plus que DEMANGE, nom qui est arrivé jusqu’à nous.
La première partie du nom a tout simplement disparu, peut-être prise pour un
second prénom ? Nous l’ignorons, on sait que le patronyme de JEANDEMANGE
pourtant a été transmis à une grande partie des frères et sœurs d’Augustin.
Erreur de transcription ? Volonté de l’intéressé de se distinguer, de se
détacher de sa fratrie à l’âge adulte ? S’attacher fictivement à une
famille DEMANGE importante ? Vous le voyez, sans preuve, on peut laisser
l’imagination trouver mille raisons à une telle modification.
Question n°6 : Qui est donc le
déclarant ?
Si
dans le cas d’un acte de mariage, le principal intéressé est là pour corriger
son nom, autant qu’il puisse le faire, ce n’est pas toujours le cas. Les
erreurs peuvent venir du fait que la personne déclarante n’est pas porteuse du
nom et est incapable de l’orthographier. Ainsi à une naissance si un membre de
la famille n’est pas présent, il arrive que ce soit une personne extérieure qui
se rende à la mairie. Une sage-femme qui vient d’accoucher la jeune mère ne connaît
pas forcément l’orthographe du nom du nouveau-né. De même lors d’un décès il
s’agit parfois d’un voisin, qui ne connaît que vaguement l’identité exacte du
décédé. Il est donc important d’étudier l’identité du déclarant et sa proximité
avec la famille concernée. Savez-vous orthographier correctement les noms de
vos voisins, collègues et amis si vous ne les avez jamais vus écrits ?
Question bonus : Comment
intégrer ces variantes dans ma généalogie ?
Voici
un point essentiel pour le généalogiste, que faire de ce carnaval de noms à
l’heure de créer ou de mettre à jour nos fiches généalogiques. Je n’ai qu’un
conseil, enregistrer toutes les variantes que vous croisez dans les actes
concernant la personne que vous étudiez. J’entends des petites voix qui
murmurent qu’il n’y a qu’une case pour le nom de famille. Plusieurs possibilités
pour noter ces variantes :
-
Pour les
individus qui ont un nom en deux parties, j’utilise les parenthèses, par exemple (LE) Gac. Attention dans ce
cas, dans la liste des noms, mon logiciel classe ces personnes avant les A dans
l’ordre alphabétique. En effet un symbole « ( », n’a pas sa place dans l’alphabet.
-
Pour les
personnes ayant des variantes orthographiques, j’utilise ce signe
« / » pour séparer les différentes formes, par exemple Jeanne GUILLERMOU / GUILLERMO / GUILLERMEAU / GUILLERM ou Marie LE YAOUANC / LE JAOUANC / LE JEUNE
/ LE JEUSNE.
N’hésitez pas en commentaire à indiquer
votre méthode pour enregistrer les variantes orthographiques.
Arrivée au terme de cet article, j’espère
vous avoir éclairé. Alors pas de panique votre généalogie sera faite de
découvertes y compris sur votre nom de famille. Si cette facette de leur
recherche semble troubler les débutants en généalogie, elle n’a pas fini de
leur compliquer la vie lors de la lecture des actes. Ce n’est que le début des
obstacles qu’ils vont rencontrer et qui font le sel de la généalogie.
Bonne recherche.
P.S. : Besoin d’un coup de main ?
Nantais (44) ou Concarnois (29), il reste des places pour les cours de
généalogie, n’hésitez pas à me contacter.
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