mardi 28 juin 2022

La tragédie des frères Werner, l'écho d'une Allemagne fracturée



             Les élèves que je suis, en cours particuliers, sont partis avec, dans leur bagages, une liste d’été pour s’imprégner du programme d’histoire. Ils y trouveront des films, des séries, des livres pour explorer toute la chronologie de l’année à venir. Certains thèmes pourtant me posent plus problème, ainsi je manque souvent d’idées pour la période de la guerre froide. Cela faisait un moment que j’avais envie  de parcourir la bande-dessinée La patrie des frères Werner qui se déroule en Allemagne durant la période RDA/RFA. Les créateurs de ce volume n’en sont pas à leur coup d’essai, Philippe Collin et Sébastien Goethals ont déjà rencontré le succès avec Le voyage de Marcel Grob sur les « malgré nous », ces alsaciens enrôlés dans l’armée allemande. Un autre titre qu’il me faudra aussi lire quand il sera disponible à la bibliothèque, peut-être à la rentrée de septembre. Revenons-en aux frères Werner.

            Nous rencontrons Adreas et Konrad dans un Berlin en ruine, qui n’est pas sans rappeler le décor du célèbre film de Roberto Rossellini. Dans Allemagne année zéro, le réalisateur italien mettait en scène une tragédie filmée à hauteur d’enfant dans les restes de la capitale allemande. De même la bande-dessinée s’ouvre sur le portrait d’enfants juifs vivant les derniers sursauts de la guerre et décidant de fuir en prenant la route de Leipzig. Par étape nous allons les voir grandir dans cette Allemagne qui doit se reconstruire. Les auteurs nous racontent leur vie, l’entrée sans conviction dans la STASI et les tiraillements entre fidélité au régime et attachement à la famille et à son histoire. Ainsi se pose souvent la question du rapport à la mémoire de l’extermination des juifs.


            De l’enfance à leurs vies d’adulte respectives, l’un en RDA, l’autre en RFA, nous ne perdons jamais la trace des frères Werner. Le point culminant de l’intrigue a lieu en 1974 quand leurs chemins se croisent à nouveau lorsque les équipes de foot des deux Allemagne s’affrontent, tous deux travaillant dans l’entourage des joueurs. Ces deux hommes dont le mode de vie est devenu radicalement différent arriveront-ils à renouer un lien fraternel ? On lit, dans les dialogues, des visions différentes et les arguments des deux camps pour défendre leurs systèmes de fonctionnement. L’utilisation du fameux match qui tient déjà plus à l’époque d’une confrontation entre les deux blocs que d’une partie sportive est très bien réalisée. Il permet d’inciter les lecteurs à se rappeler à quel point le sport, le football en particulier par sa résonnance médiatique, peut être un combat politique.


            Si le livre abuse un peu des ellipses et qu’il faut se familiariser avec le graphisme et les teintes en noir, blanc, sépia, l’ouvrage vaut le détour. Je le conseillerai sans hésitation à mes élèves de 3e comme aux premières. Il est possible que le long et très dense cahier documentaire soit oublié dans la lecture mais la thématique sportive arrivera peut-être à convaincre les plus réticents. Attention, néanmoins la lecture n’est pas des plus aisées pour un format bande-dessinée par la construction du récit un peu morcelé.

            Si vous, vos enfants ou vos élèves l’avez lu n’hésitez pas à partager vos ressentis sur ce beau livre. Un site très sobre est proposé par futuropolis pour le découvrir.

            Bonne lecture à tous. 





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