La guerre de Jeanne et de son jeune
frère Louis, c’est celle de deux jeunes ardennais que les circonstances de l’exode
font atterrir dans la maison vide de leur grand-père. Ils y arrivent avec les
femmes de la famille, leur grand-mère, leur tante et leur mère. La vraie maison
des enfants, à une douzaine de kilomètres, n’est plus que ruine, leur père a
été mobilisé, et le grand père qu’ils aiment tant est parti les croyant déjà
loin du danger. Les cinq membres de la petite famille vont passer la guerre
derrière le front allemand, une guerre à l’arrière sous le joug d’une armée
ennemie. Jeanne le dit ainsi « Nous ne connaîtrons de la guerre […] que les
ennemis au repos, qui pensent à leur familles, qui sont heureux de voir des
enfants, qui repartent au front l’angoisse au cœur. » (p.15). C’est là
toute l’originalité du témoignage, une vie quotidienne à l’heure allemande où il
faut faire des compromis, admettre que les ennemis sont aussi des hommes.
L’ambiance, le travail dans les
champs pour produire des denrées pour les allemands, les appels matinaux sur la
place, Jeanne nous raconte de façon désordonnée ces années terribles. Terribles,
le mot me semble bien choisi quant à la teneur de la période. Pourtant le texte
est empli d’une fraîcheur, celle de l’enfance qui se prolonge malgré tout. Chaque
chapitre est la plongée dans un instant, un souvenir, cela rend le discours un
peu décousu à la façon des livres d’autrefois comme Les malheurs de Sophie dont finalement on pouvait grignoter un
épisode ici ou là. Certains titres de chapitres fleurent bons effectivement ces
récits d’enfances campagnardes « La mare », « La cassonade »
ou « le nid des loriots ». Néanmoins le cœur de ces mémoires c’est la
guerre et le rôle des enfants devenus travailleurs loin de l’école.
De l’exode de 1914 aux conséquences
de l’armistice, les textes de Jeanne Lebrun s’inscrivent dans la collection des témoignages
à notre disposition pour nous souvenir. J’ai lu, collégienne, des textes
très émouvants comme Paroles de Poilus.
Néanmoins en finissant le très court livre de Jeanne Lebrun, j’ai eu l’impression
de parcourir une guerre qu’aucun autre document ne m’avait donné à voir :
la guerre en zone occupée à hauteur d’adolescent. Ce texte a aussi la
particularité d’avoir été écrit pour des jeunes qui naîtraient bien après le décès de l'auteur.
Je vous souhaite à tous une lecture
enrichissante
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire