Après un « Mince alors… » qui faisait le point sur certaines mauvaises habitudes, revenons à des articles qui se concentrent plutôt sur les obstacles que rencontrent les débutants. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur un problème plus commun que vous pourriez le croire : les communes introuvables. L’ancêtre qui reste insaisissable est un grand classique auquel se heurte rapidement tout généalogiste amateur. Il sait moins qu’il risque un jour de déchanter avec un acte ou bien tout autre document mentionnant un lieu qui sera inconnu au bataillon. C’est une frustration presque plus difficile à gérer que l’aïeul qui vous file entre les doigts. On est parfois convaincu qu’une fois le lieu déchiffré, le plus dur est fait. Eh bien pas toujours. Pourquoi donc certains lieux sont si compliqués à retrouver ? Nous allons nous concentrer principalement sur l’époque contemporaine puisque la « commune » naît avec la Révolution, beaucoup de ces pistes peuvent néanmoins servir aussi pour les paroisses introuvables.
Cas n°1 : La
commune a changé de département ! C’est un des problèmes que j’ai
rencontré lors de mes premiers pas en généalogie. Une de mes branches s’amuse à
me promener entre les communes voisines d’Herbignac, Missillac, Assérac et
Férel. C’est la dernière commune qui m’a fait m’arracher les cheveux plus d’une
fois. La commune a en effet basculé lors du découpage des départements,
passant du diocèse de Nantes au nouveau département du Morbihan. Il faudra un
jour que je propose une version en ligne du tableau sur l’évolution des
divisions administratives « Ancien régime/époque contemporaine » que
je donne parfois à mes élèves en cours particulier. On trouve des parallélismes
puisque de nombreuses communes reprennent en réalité le découpage des paroisses.
Le changement de
département est assez fréquent finalement depuis les plus de deux-cents ans
d’existence de cette unité géographique. C’est bien embêtant puisqu’on apprend
rapidement que celle-ci est notre référence principale en généalogie. Nous nous
précipitons généralement, au début de nos recherches sur le site des archives
départementales qui nous concerne. Rassurez-vous les institutions s’améliorent
de jour en jour et créent des fiches pour vous indiquer où se trouvent les archives,
dans l’ancien ou le nouveau département. Vous
pouvez en voir un exemple sur le site des archives de l’Isère dont une
partie des communes a été rattachée aux archives du Rhône.
Cas n°2 : La commune a
fusionné ! Plusieurs causes provoquent la fusion où l’absorption
d’une commune et ceci peut compliquer singulièrement notre vie de généalogiste.
Ceci arrive de plus en plus souvent. Un outil pour suivre ces fusions existe,
l’INSEE propose son Historique
des communes en ligne. Vous allez donc pouvoir vous référer à cet outil
pour vous y retrouver, surtout pour les derniers changements en date puisque ce
drôle d’annuaire ne reprend que les changements depuis 1943. Si, dans les
archives départementales, vous allez rapidement retrouver la commune en
question, elle va cette fois-ci être, parfois, introuvable quand vous allez
souhaiter la rentrer dans votre logiciel de généalogie. Pensez donc, si vous ne
pouvez pas trouver la nouvelle commune dans la liste automatique, à ajouter un
point en notes sur la fiche de l’individu.
Certaines communes ont
été absorbées, comme Doulon ou Chantenay par Nantes. Dans ce cas il faut
parfois se tourner vers les mairies pour savoir comment ont été gérées les
archives municipales. Dans ce cas particulier, les registres de Chantenay par
exemple ne sont pas en ligne sur les
archives départementales du 44, mais sur le site des archives municipales. Trouver
un simple registre peut-être un jeu de piste avant même de trouver un acte.
Parfois la généalogie est un parcours du combattant pour des problèmes de
classification administrative.
Cas n°3 : La commune a changé de nom
durant la Révolution ! Passons le cas des fusions qui
entraînent une modification du nom de la commune par suppression ou accolement
des toponymes. Ici, je parle bien de changement radical qui rend la recherche
très complexe. La Révolution est passée par là et nous arrivons à un cas qui
m’amuse beaucoup en cours quand je l’explique à mes élèves. Parmi les
bouleversements de cette période, la toponymie n’est pas en reste puisqu’on
adapte aux temps nouveaux les anciennes références présentes dans les noms des
villes. Je vais vous parler rapidement des communes mais ce phénomène touche
aussi les rues par exemple. A ce propos vous pouvez lire Les
changements des noms de rues sous la Révolution française. Revenons aux
villes qui changent de nom, voici les raisons les plus courantes :
- - Une référence à un roi, une reine ou un prince, tout
ce qui rappelle la royauté. C’est un phénomène qui touche surtout les communes à
partir de 1792. Par exemple, dans le 56, Port
Louis devient Port-Egalité ; en Haïti, Port-au-Prince se transforme en Port-Républicain.
- - Une référence à l’Eglise, une tendance qui se
développe à la fin de l’année 1793. Par exemple, dans le 29, Pont-Croix se change en Pont-Libre ;
dans le Gard, Pont-Saint-Esprit est
remplacé par Pont-sur-Rhône.
- - Une référence à un château. Par exemple, dans le 44, Châteaubriant est modifié pour
Montagne-sur-Chère ; dans les Vosges, Neufchâteau se transforme en Mouzon-Meuse.
Je ne vais pas vous détailler en long, en large et en
travers les changements possibles, de bons articles peuvent vous permettre de
compléter vos connaissances sur le sujet, comme celui-ci : République
et « laïcité » : le nom révolutionnaire des communes de France sous le Consulat
et l’Empire (et au-delà). Une grande partie des communes a récupéré leurs
anciens noms, quelques-uns subsistent aujourd’hui. Pour la Loire-Atlantique aucun
n’est resté en place.
Globalement, les archives départementales sont bien
organisées et l’on retrouve les registres sous le nom actuel. Néanmoins, pour
des débutants, un registre révolutionnaire est déjà semé d’embûches entre les
dates si particulières et les prénoms parfois novateurs. Je comprends alors que
ce nom nouveau de ville puisse décourager.
Cas n°4 : La commune n’existait pas ! Nos aïeux
ne naissaient pas souvent à la ville, une grande partie de la population
était rurale. De ce fait les enfants voyaient souvent le jour dans des
hameaux et les lieux dits. Là encore les divisions administratives peuvent nous
poser problème. Prenons l’exemple de Berrien (29) qui avait déjà, en tant que
paroisse était redécoupée à plusieurs reprises, et sera morcelée plusieurs fois
au cours du XIXe siècle. Ainsi la localité de Botmeur naît de ces nouvelles
limitations administratives en étant rendue indépendante de Berrien. Si vous remontez
le temps sur une lignée présente à Botmeur, vous pourriez donc être déstabilisé
quand, arrivé en 1850, vous ne trouveriez plus de registre spécifique à cette
localité. Il faut basculer sur Berrien pour remonter plus haut dans le temps. Pensez
donc à bien établir une chronologie, même succincte des communes sur lesquelles vous enquêtez.
Je vous conseille de
manière générale de vous familiariser avec la géographie et les plans des
communes que vous allez fréquenter régulièrement en généalogie. Vous pouvez par
exemple utiliser géoportail pour
vos premiers pas en histoire communale, avec les cartes d’état-major par
exemple. Par ailleurs, les archives départementales proposent souvent de
nombreuses cartes, cadastres et plans numérisés que vous pouvez consulter.
Cas n°5 : La commune a
changé de pays ! J’en conviens ce n’est pas courant mais cela
arrive de temps en temps dans l’histoire de France. Dans plusieurs cas, en
restant dans la même commune, vos recherches généalogiques vont vous faire
voyager vers d’autres nationalités. Les communes changent alors de système
administratif et parfois de nom, encore. Quand vous cherchez une commune donnée
dans un acte, il est possible que vous ne la trouviez pas, simplement car son nom
a été traduit à l’époque où l’acte est rédigé. Dans certaines régions comme l’Alsace
la situation est récurrente entre les germanisations et les francisations des
noms. N’hésitez pas à parcourir les nombreux textes des chercheurs qui se sont penchés
sur cette question assez spécifique comme celui
Christian Wolff. Le cas des difficultés de compréhension des archives dû à l’appartenance des territoires à différentes souverainetés existe à plusieurs frontières. Nous aurions aussi pu ici évoquer l’exemple de la Savoie devenue
française en 1860 seulement.
Dans le cas de
territoires frontaliers, vous allez donc vous trouvez souvent dans une chasse aux
communes où il vous faudra surtout ne pas vous précipiter pour retrouver l’équivalent dans une autre langue.
Suite à ces quelques
exemples, j’espère vous avoir donné des pistes qui vous permettront de réfléchir
sur les communes introuvables. En faisant de la généalogie vous retracez l’histoire
de ceux qui vous ont précédé et inévitablement vous croisez aussi l’histoire des
lieux où ils ont vécu. Je ne peux que vous inviter à faire un écart loin des
actes pour consulter les monographies et les cartes pour vous imprégner des
découpages cantonaux et communaux qui constituent l’univers de vos aïeux.
Il existe cent raisons
qui peuvent rendre une commune introuvable y compris, comme pour les noms de
famille, une mauvaise retranscription. Je n’ai choisi de présenter que les cas
les plus courants, n’hésitez pas à partager en commentaire vos propres déboires
face aux communes fantomatiques.
Bonnes recherches à
tous.
Bonjour et merci pour cet excellent article et ses références, je m'empresse de le sauvegarder.
RépondreSupprimerLe logiciel que j'utilise, Gramps, gère les lieux ainsi que leurs subdivisions. Il les gère en permettant de lier un lieu à un autre, en indiquant une date ou une plage de dates auxquelles il a appartenu au lieu de niveau supérieur. Il dispose aussi d'un nomage secondaire des lieux, par exemple pour représenter le nom du lieu pendant la période révolutionnaire ou dans une autre langue, là aussi avec une possibilité d'appliquer une plage de temps pendant laquelle il portait ce nom.
Exemple: https://x.com/plegoux/status/1596805286240473089?s=19