Pour le 11 Novembre, comme chaque
année, je vous propose un article sur la Première Guerre mondiale. Vous
pouvez retrouver tous mes billets liés à ce conflit en suivant ce lien. Comme
l’année passée, je vous propose une lecture. Nous allons suivre l’enfance de cette génération qui
marchait vers la guerre. Par la même occasion nous plongerons dans les méandres de l’assistance publique d’avant-guerre.
Ce livre n’est pas arrivé entre mes mains par hasard. J’ai lu Bertrand Solet quand j’étais au collège et j’ai toujours beaucoup aimé ses ouvrages, il y en a encore des dizaines de livres de sa plume qui manquent à ma bibliothèque. Que ce soit Les Révoltés de Saint-Domingue, Chasseurs d’Esclaves ou Bastien, Gamin de Paris, je n’ai jamais été déçue. Je croyais avoir lu Les cahiers de Baptistin Etienne, par curiosité je m’y suis tout de même plongée car je ne connaissais pas cette édition. Il s’avère que je ne les avais jamais lus et que, bien que classé au rayon jeunesse, le livre convient tout à fait aux adultes.
Baptistin naît en 1897 à Marseille, c’est ici, entre Rhône et Méditerranée qu’il va grandir. L’originalité du livre repose d’abord sur le point de vue, ce récit autobiographique nous amène dans le quotidien d’un enfant de l’assistance du début du siècle. Pourtant le petit Baptistin était né dans une famille unie et aimante : « Notre famille vit heureuse, il me semble. Je me souviens. Nous sommes au tout début du siècle » Cette période heureuse du petit marseillais fleure le roman du terroir, presque un petit côté Pagnol, mais elle ne dure pas longtemps (15% du livre). Nous voici familier de ce petit bonhomme quand il se retrouve sans parents brutalement, séparé de sa fratrie. Il a dix ans et il quitte l’école, se retrouve ouvrier, puis garçon dans un restaurant où il est exploité. Finalement, il sera envoyé à l’assistance.
Le
petit citadin va devenir berger et garçon de ferme. En parallèle, nous voyons sa
personnalité s’affirmer face aux brimades qu’il subit et sa lutte pour obtenir
le bon traitement des enfants placés, comme lui. Il s'oppose aux familles
qui accueillent et exploitent les pupilles de l’assistance. Plus il grandit, plus il
s’enhardit et ose aller se plaindre directement dans le bureau de l’inspecteur.
Il se fait défenseur des enfants les plus opprimés. Il finit par trouver une
famille où il est traité comme les enfants des patrons. Progressivement il
devient un homme avec cette fratrie de circonstance. Il s’en va quand il a
l’âge de devenir valet de ferme. C’est ici que la guerre va le rattraper.
Le
dernier-tiers du livre est consacré à cette guerre avec la particularité
d’avoir d’abord le regard de l’arrière avec ces grands adolescents qui
brusquement se retrouvent avec des responsabilités d’homme quand les pères de
famille et les propriétaires partent prendre l’uniforme. Baptistin témoigne « Je passe de l’état de valet de ferme à celui
de gestionnaire d’un domaine de cent hectares ». On y comprend tous les
bouleversements de l’arrière. On mesure aussi que d’une certaine façon la vie
continue. Quand on a dix-sept ans, on vit quand même et Baptistin le dit
très simplement « Le travail
n’empêche pas l’amusement. […] Je fais partie d’une bande qui aime bien rire et
s’amuser. […] Nous allons à la fête locale ». Si la guerre donne à
Baptistin la chance de faire ses preuves à des postes qu’il n’aurait pas pu
convoiter avant plusieurs années, il reste un jeune homme qui a des
préoccupations de son âge.
A la page 145, le point de vue change,
Baptistin quitte sa situation de civil pour passer l’uniforme dans ce qu’il
appelle « la classe biberon ».
On suit notre jeune soldat dans tout son parcours. On y décrit les étapes qui souvent sont
éludées dans les récits des poilus que nous rencontrons habituellement dans la
littérature. Ici tout y passe : le départ, les entraînements, la réception
des uniformes, les trains réservés aux civils… Toujours, le ton prête à
sourire, mais le décor s’assombrit. Aux derniers paragraphes nous laissons
Baptistin qui s’apprête pour la première fois à se jeter dans la bataille.
Avec Baptistin, vous traverserez donc une multitude de milieux de la ville à la campagne, des usines aux petits commerçants en passant par le monde rural où il fréquente les plus miséreux des bergers et les petits propriétaires. Vous observerez aussi l’arrivée de la modernité, la mécanisation balbutiante des campagnes, le rêve des jeunes gens de posséder un vélo. Baptistin a voulu témoigner de sa "Belle époque" .
Une
petite tristesse en refermant ce livre, on aurait bien continué à suivre les pas
de Baptistin. La dernière phrase « Mais
tout cela, comme on dit, c’est une autre histoire », nous laisserait
espérer un autre récit, une suite, qui relaterait la guerre et l’entre-deux-guerres peut-être de notre héros atypique. Malheureusement, j’ai cherché, elle n’existe
pas. La vie de Baptistin est pourtant passionnante. Quand vous aurez refermé le
livre de Bertrand Solet, si vous souhaitez comprendre le parcours du soldat
Etienne, il faudra vous rendre dans le Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français. Heureusement, il y a une version
en ligne et vous pourrez lire ici
la longue notice qui vous racontera la suite de ses engagements sur le
front, dans sa vie de paysan et dans le Marseille de la Seconde Guerre mondiale. Il y a dans le récit de ce parcours une grande honnêteté même dans les questionnements de Baptistin.
Il
y a quinze ans on trouvait encore les
Cahiers de Baptistin aux éditions du livre de poche jeunesse. Il semble que
le titre ait été délaissé par l’éditeur. Il vous faudra donc vous tourner vers
l’occasion ou la bibliothèque municipale (Pour les nantais, un volume y est
disponible). Je vous conseille l’édition présentée dans cet article, sortie en
1972 à la Bibliothèque de l’amitié. C’est un plus grand format et d’une
meilleure qualité que les éditions de poche, avec cartes et illustrations. Sur
ces mots, je m’en vais le ranger avec les autres volumes de cet éditeur que j’ai
toujours beaucoup aimé. Si vous aussi, vous avez lu ce petit livre, votre avis
est bienvenu dans les commentaires.
Bonne
lecture à tous.
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