jeudi 16 novembre 2023

Une généalogie sportive : George Gardiner (1900-1924), héros familial ?

 


            Comme vous le savez j’ai, en ce moment, de l’intérêt marqué pour les Jeux olympiques et surtout leur histoire. Je vous ai déjà proposé plusieurs lectures pour mieux les comprendre. Dans cet article nous allons croiser ce thème avec ma passion pour la généalogie. Oubliez la mienne, on n’y compte aucun sportif notable, et je ne relèverai pas le niveau.

Depuis la création des jeux olympiques modernes, nombre de personnes ont participé : sportifs, arbitres, coachs, organisateurs… J’ai proposé à des généalogistes amateurs de nous raconter comment ces destins avaient pu susciter des recherches singulières. J’ai reçu un premier témoignage, celui de la petite nièce d’un participant de 1924 : George Gardiner, lutteur.



Toutes les images présentes dans cet article ont été aimablement fournies par Tanya Gardiner à partir des archives privées de la famille.


I : Quand des amateurs faisaient l’histoire des Jeux

1924, 5 juillet, les athlètes se présentent à la cérémonie d’ouverture à Paris. Parmi eux, un jeune homme de 24 ans que rien ne prédestinait à fouler le sol de la capitale française. L’Ecossais, né à Stirling, « était mineur de fond » comme m’indique Tanya Gardiner. Sa petite nièce me détaille ce que la mémoire familiale lui a transmis sur son parcours sportif. L’athlète aime s’entraîner en premier lieu pour les Highland games où il s’illustre, comme d’autres membres de sa famille. Là encore, la mémoire familiale apporte quelques détails que la lecture des biographies officielles ne mentionnent pas, ainsi notre écossais faisait 50 kilomètres régulièrement pour s’entraîner à la lutte « avec les policiers de Glasgow ». N’oublions pas qu’à l’époque la compétition est réservée aux amateurs et que chacun se débrouille pour construire son programme d’entraînement. Les Gardiner ont aussi conservé des souvenirs de son parcours pour les qualifications, dont voici quelques médailles glanées dans les archives privées de la famille.



Loin de la région où il s’entraîne, le lundi 14 juillet, il s’apprête à défendre sa place pour une médaille de bronze. George finira 4e en lutte libre aux Jeux olympiques, retournera dans son Ecosse natale et sera la fierté de sa famille. Il rentre avec une médaille dans la poche dont nous reparlerons plus loin. Malheureusement, comme le relate Tanya, en septembre suivant, après une opération du genou  « il ne s’est pas réveillé ». La mémoire familiale laisse penser qu’il s’agit d’un souci au niveau de l’anesthésie, n’oublions pas que cette science à l’époque est encore fragile et qu’une mauvaise manipulation est souvent fatale. Ainsi le jeune champion écossais n’aura jamais l’occasion de participer aux Jeux de 1928. Son neveu David avait été sélectionné mais le règlement est strict, on ne peut avoir touché de l’argent en tant que sportif. Or les Highland games lui ayant permis d’être récompensé en monnaie sonnante et trébuchante, il ne pourra donc conjuguer le nom de Gardiner avec le destin olympique une seconde fois. 

II : La transmission de la mémoire olympique

            Dans la fratrie de George, 12 enfants tout de même, on n’a jamais cessé d’entretenir la mémoire du lutteur. Ceci se lit dans la généalogie, à condition d’avoir les clefs pour le dépister. Ils seront deux à être prénommés en son honneur. Une nièce sera baptisée Georgina et un neveu, George, le père de Tanya. Celui-ci naît en 1928.


            Tanya raconte : « On savait toujours que c’était l’oncle olympique. À l’école primaire, les années de J.O. on emmenait la médaille « de bronze » et le certificat pour montrer à nos camarades de classe. ». On en revient à la fameuse médaille. Je vous rappelle que notre héros écossais n’est arrivé que 4e, une place fort honorable au passage. Un détail avait toujours fait tiquer Tanya, une médaille doit normalement s’attacher au cou du récompensé. Celle-ci pourtant n’avait aucun espace possible pour un ruban. Il existe une récompense au Jeux qui n’est pas spécifiquement remise aux gagnants. En effet, on le sait moins mais tous les participants, vainqueurs ou non repartent avec une médaille pour marquer leur participation à cet événement hors du commun. C’est donc cette médaille qui traversa le temps, un document généalogique inhabituel. Espérons qu’elle continuera à provoquer la curiosité de ceux qui en hériteront. La médaille était aussi accompagné d’un grand certificat de participation, lui aussi conservé dans la famille. Notons que le prénom a été orthographié à la française, avec un « s ». C’est un détail relativement important pour des recherches futures, en effet c’est la petite différence qui peut faire problème à un moteur de recherche. 


III : Une recherche dans toute l’Europe pour retracer le parcours

            Tanya a mené quelques démarches pour essayer de compléter l’histoire de l’écossais. En plus des archives familiales, photos ou courriers, il existe aussi quelques coupures de journaux. Elle indique qu’elle a eu la chance de trouver, au milieu des années 2000 « un rapport officiel complet des JO de Paris 1924 sur un site américain » qui l’a éclairée avec précision sur les dates de ses combats. C’est ici que l’on découvre que les épreuves ont lieu dans le Vél’d’hiv, d’autres sports profitent de cette installation construite en 1903 et qui n’existait donc pas lors des Jeux de 1900. L’escrime, par exemple, est aussi présentée dans ces murs en 1924. 

            Certaines des recherches de la petite nièce de George sont restées sans réponses, elle ne désespère pas et envisage de continuer. Ses demandes auprès de la fédération écossaise de lutte sont demeurées sans réponse, c’est un peu dommage. Elle aurait aussi aimé formuler une requête auprès du grand Musée olympique de Lausanne. Cette dernière démarche n’a pas eu lieu car à l’époque où Tanya s’intéressait à l’histoire de George le musée était fermé. De nombreuses pistes restent à explorer avec la particularité de pouvoir s’effectuer sur plusieurs territoires dont, en priorité, la France et l’Ecosse. L’enquête de Tanya a connu une petite pause mais pourrait bien reprendre, lors de notre sympathique échange elle a manifesté l’envie de se relancer dans cette démarche. 

            L’histoire de George est celle de milliers de sportifs qui ont marché dans les stades olympiques sans monter sur un podium. Il rappelle un temps où des amateurs de tout pays pouvaient se découvrir et s’affronter tous les quatre ans. Pour retrouver cette ambiance, Tanya évoque le célèbre film Les Chariots de feu (J.O. 1924), je vous propose pour ma part Marathon (J.O. 1928) qui retrace le destin d'un amateur : Ahmed Boughéra El Ouafi. Regardez cette belle photo qui rappelle vraiment le film évoqué par la généalogiste écossaise.

            Avec le parcours du champion et de la généalogiste, on comprend qu’une recherche autour d’un sportif international va demander de s’adresser aux archives de la région d’origine (Ici l’Ecosse), des pays des compétitions (Ici la France) et parfois les lieux où sont localisées les institutions (Par exemple la Suisse). Si vous vous lancez dans ce type de recherche, il faudra donc sortir de la zone de confort du généalogiste amateur français : archives départementales, archives municipales, BNF (Gallica/Retronews). Petit point d’attention, notre ami George avait un homonyme (1877-1954) boxeur irlandais qui connut une belle carrière. Quand vous commencez une recherche faites bien attention à ce type d’écueil.


            Il est aussi possible de retrouver certains lieux et de les visiter pour redécouvrir le parcours d’un aïeul sportif. Malheureusement, dans le cas de George, il ne reste pas grand-chose du Paris olympique qu’il a pu connaître. Certaines structures furent conservées comme le fronton de pelote basque ou, plus classique, la grande piscine. Mais les lieux qui concernent le parcours du lutteur ont totalement disparu. Je ne sais pas où était logée l’équipe britannique mais le village, premier du genre, où furent accueillis les athlètes, a été démonté après la compétition. Le Vélodrome d’hiver, où le sportif a concouru, a disparu en 1959.

L’oubli est facile, même quand on a porté les couleurs de son pays à une des compétitions les plus célèbres du monde. On peut pourtant bâtir un joli programme de recherches généalogiques comme nous le montre Tanya qui a commencé à pousser ses interrogations au-delà de l’histoire familiale. De la fiche détaillée sur Geneanet au livre qui restera dans la famille, chacun peut choisir un objectif. L’important, en sport comme en généalogie, c’est d’avoir au moins essayé. 

            Bonne recherche à tous, si vous souhaitez vous aussi témoigner de parcours olympiques dans vos généalogies vous pouvez me contacter. 


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