lundi 1 janvier 2024

Mince alors… Pourquoi ai-je besoin d’une fourchette, en généalogie ?


            Pour le « Mince alors… » de janvier, j’ai souhaité vous surprendre un peu avec une question qui laissera les débutants, à qui cette rubrique est destinée, et les généalogistes expérimentés sûrement dubitatifs. L’idée m’est venue en répondant à une sollicitation sur un groupe d’entraide, quand j’ai demandé une fourchette pour aider plus précisément la généalogiste en question. Je me suis rendue compte que la « fourchette » n’est souvent pas utilisée par les débutants alors qu’elle est sous leurs yeux et peut souvent leur faciliter la vie. Je vous propose donc de découvrir cet outil et son utilisation dans ce court « Mince alors… ». Pour cela nous retrouvons notre ami Néo GENEA, généalogiste fictif que nous avons déjà croisé dans de précédents articles.

            Où vais-je trouver une fourchette généalogique ? Vous vous doutez bien que je ne vais pas vous envoyer chercher des couverts dans votre tiroir de cuisine. La fourchette est une période établie, selon différents indices, durant laquelle un fait a pu se produire. Néo GENEA trouve régulièrement ce type de notation dans les arbres en ligne : « Yves LE ROUX décédé entre 1780 et 1800 ». Ce mot « entre » indique que le généalogiste propose une fourchette de dates. Si la première réaction face à ces informations est parfois la déception, l’information est imprécise, ce dont le généalogiste a horreur, c’est en réalité un détail précieux. Vous savez désormais ce qu’est une fourchette, en généalogie. Savoir les identifier c’est bien, mais apprendre à les établir c’est mieux. Neo GENEA se penche alors sur un aïeul qui lui pose problème depuis quelques temps, la date de décès d’un arrière-arrière-grand-père, Hervé MARTIN, lui échappe.

            Pourquoi établir cette fameuse fourchette ? Il arrive, souvent, qu’une date primordiale nous résiste, une naissance ou un décès par exemple. On a parfois l’impression de chercher une aiguille dans une botte de foin. Il suffit souvent de se poser pour établir une fourchette qui réduira le champ des recherches. Si vous devez éplucher les recensements, les tables décennales ou les table des successions et absences vous serez heureux de réduire au maximum la période de recherche. Si vous demandez de l’aide, vous ferez gagner un temps fou à ceux qui voudraient vous prêter main forte en proposant une fourchette qui montrera que vous avez déjà bien défriché le champ de recherche. Ce conseil s’ajoute à ceux déjà donnés dans un précédent article : Mince alors… Mes demandes d’aide en ligne restent lettre morte, que faire ? Quand vous ne trouverez pas une date, ne laissez pas immédiatement tomber car, même si l’exactitude est le graal du généalogiste, il faut parfois accepter une étape d’approximation pour avancer. Neo GENEA cherche absolument à établir la date de décès d’Hervé MARTIN dont il possède l’acte de naissance (1860) et l’acte de mariage avec Marguerite LE BRAS (1885), mais il pense n’avoir aucune piste pour compléter le triptyque de base avec l’acte de décès.    

            Comment établir une fourchette de dates ? Pour établir une fourchette généalogique vous allez, plus que jamais, vous transformer en enquêteur dépourvu d’informations concrètes. Oubliez un instant que vous cherchez un acte précis ou une côte d’archive. Vous allez pécher des informations minuscules parfois. Vous allez surtout aller fouiller dans des documents où la personne qui vous intéresse a un rôle secondaire, elle n’est pas le sujet principal de l’acte.

Ainsi Néo GENEA va commencer par essayer d’établir la liste de tous les enfants du couple Hervé MARTIN x Marguerite LE BRAS. Il en a trouvé 6, nés entre mars 1886 et  septembre 1907. Pour la naissance du dernier enfant, Hervé est en vie. Néo sait donc que son aïeul est toujours vivant en septembre 1907. Deux de ses enfants se sont mariés. François MARTIN en mars 1922 et Jeanne MARTIN en février 1923. Deux dates proches où Hervé est bien présent. La femme d’Hervé est décédée en décembre 1930, déclarée par son fils François. Il est indiqué qu’elle est la femme de « feu Hervé MARTIN ». Hervé est donc mort avant cette date. Voici comment Neo GENEA réduit sa période de recherche : février 1923 – décembre 1930.

Néo vient de se rendre compte qu’il en sait finalement plus qu’il ne le pensait. Pensez toujours à recouper les informations. Un autre indice va bientôt surgir et réduire encore la fourchette établie. En reclassant les actes de baptême de ses grands-parents, il découvre qu’Hervé était le parrain de son petit-fils, le grand-père de Néo : Jean MARTIN. Celui-ci est né en juin 1925. Hervé était donc encore en vie. Ainsi pensez aussi aux actes des archives diocésaines, souvent moins consultés pour la période contemporaine.

Une dernière piste va orienter les recherches de Néo. Dans les archives d’un journal local, en ligne, daté d’octobre 1926, le généalogiste trouve une mention d’Hervé MARTIN, s’étant fait voler sa bicyclette juste devant son logement. L’adresse correspond à celle de son aïeul, ce n’est donc pas un homonyme. Pas de doute Hervé, était toujours en vie en 1926.                

Faut-il indiquer une fourchette de dates dans ses recherches ? Malgré sa détermination, Néo n’a toujours pas retrouver le décès qu’il cherchait mais il a largement réduit sa période de recherche, entre octobre 1926 et décembre 1930. Peut-il pour autant en faire état sur son arbre en ligne ? Les fourchettes ont tout à fait leur place dans vos arbres. Vos recherches n’ont pas besoin d’être abouties pour figurer en bonne place dans vos branches. Votre arbre n’est pas une vitrine mais un carnet de bord. La plupart des logiciels ont désormais intégré des fonctionnalités pour rentrer des dates approximatives : avant, après ou entre sont acceptés dans le champ « date » du logiciel. Parfois la date restera introuvable durant des années mais vous gardez une trace des démarches que vous avez faites, c’est le plus important. Une fourchette de dates est parfois perçue comme une frustration, un échec ; pour moi c’est une promesse de pouvoir encore progresser dans une recherche.

 


La généalogie peut se délecter de "l’à peu près" tant qu’il n’est qu’une étape pour aboutir à un résultat plus probant. La fourchette fait partie de ces démarches qui nous laissent parfois sur notre faim (vous auriez bien aimé savoir si Néo va trouver la date de décès d’Hervé) mais qui sont essentielles pour progresser sur les cas un peu plus ardus. On ne remonte pas toujours d’acte en acte facilement, les mentions marginales ou les renvois à un autre acte sont loin d’être systématiques, c’est même à la marge dans le volume d’acte que vous traiterez. La fourchette c’est l’âme de la généalogie : collecter, agréger, sauter d’un fonds d’archives à l’autre pour dénicher les indices nécessaires. J’espère que ce « Mince alors… » vous sera aussi utile que les autres articles de cette rubrique qui restent la plus plébiscitée par les lecteurs du blog.

Bon début d’année à tous et que vos recherches soient fructueuses.


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