Je continue à enrichir mes conseils de lectures généalogiques sur le blog, que vous pouvez désormais retrouver sur la page dédiée « Ressources généalogiques ». Aujourd’hui, je vous présente un livre que j’espérais parcourir depuis sa sortie en 2018. J’avais rencontré Stéphanie Trouillard, journaliste à l’origine de cette enquête, mais j’avais alors privilégié l’achat de sa bande-dessinée Si je reviens un jour, qui a déjà fait l’objet d’un article sur le blog. Mon oncle de l’ombre m’avait interpellée lors de sa sortie car on annonçait qu’il évoquait un sujet qui me tient à cœur puisque mon grand-père fut concerné : Le S.T.O. Pourtant, j’ai bien failli déchanter à la lecture.
I :
Une lecture qui fait de la résistance
L’ayant reçu pour Noël, j’ai plongé
dans l’enquête immédiatement. J’ai eu quelques difficultés à avancer dans les
premiers chapitres pour différentes raisons. J’ai eu l’impression de me
tromper de livre, il était visiblement consacré à la Résistance, sujet très intéressant
mais qui n’était pas du tout ce que j’attendais en commençant cet ouvrage. Je
me suis faite une raison et j’ai tout de même emboîté le pas à Stéphanie
Trouillard pour la suivre dans sa recherche. L’originalité du récit, qui peut déstabiliser,
est de commencer par le cheminement de l’enquêtrice avant celui du mystérieux oncle :
André Gondet, exécuté sommairement par les allemands le 12 juillet 1944. Elle
étudie les relations de sa famille autour du portrait, seul souvenir conservé d’un
jeune homme qui est en réalité le grand-oncle de Stéphanie. Quand elle prend
conscience du lien entre cet oncle et les célèbres faits d’armes du maquis morbihannais
de Saint-Marcel, elle se lance à corps perdu dans une enquête.
Une fois pris dans l’entreprise de
reconstitution entamée par la journaliste, vous ne lâcherez plus l’ouvrage. Le
livre dresse progressivement, dans la première et la deuxième partie, les contours
du réseau de résistance locale. Dans ses rangs se croisent des hommes de toutes
origines. Certains seront célèbres, d’autres ont disparu de la mémoire,
minutieusement l’enquêtrice récolte et assemble les éléments de ces identités résistantes ;
ainsi les figures des parachutistes qui rejoignent bientôt les petits bretons
fournissent une belle galerie de portraits, dont Pierre Marienne. Stéphanie
Trouillard va pourtant plus loin en s’intéressant aussi aux éléments du camp adverse,
proposant d’étudier, par exemple, le cas de Maurice Zeller, collaborateur
notoire. Il m’a semblé que la démarche permettait réellement de comprendre les
tenants et les aboutissants des drames qui se nouent pour les résistants pris
le 12 juillet 1944.
Rendue à la fin de la page 184, sur
253 tout de même, j’avais fait le deuil de ma lecture sur le S.T.O., désormais
j'étais imprégnée par l’histoire du maquis. Déjà, je notais pour un projet
futur de visiter le Musée de la Résistance en Bretagne pour prolonger ma
lecture.
II : L’enquête
à propos du S.T.O. n’était pas un mirage
Mes souvenirs pourtant ne m’avaient
pas trahie, le livre consacre bien une part non négligeable du récit à la place
des travailleurs envoyés en Allemagne. L’enquête de Stéphanie Trouillard croise
effectivement le triste chemin du S.T.O. qui a pris entre ses griffes un membre
de sa famille. J’ai lu quelques ouvrages sur le sujet, je vous avais conseillé deux romans pour en parler avec les adolescents. Soulignons, dans l’ouvrage
que je vous présente aujourd’hui, une présentation simple et efficace de la situation
si particulière de ces jeunes gens arrachés à leur pays pour travailler pour l’ennemi.
Si vous êtes à la recherche d’un
S.T.O, la lecture de ce livre est essentielle car elle vous permettra d’avoir un
modèle de la démarche à mener. Stéphanie Trouillard va consulter les différents fonds dont
vous pourriez avoir vous-même besoin comme l’ITS ou DAVCC. Des sigles qui ne
vous disent peut-être rien mais qui sont vos premiers interlocuteurs lors d’une
telle recherche. Elle va aller plus loin que beaucoup de
descendants des travailleurs partis en Allemagne. Elle va passer outre-rhin
pour retrouver les lieux où son travailleur a été employé.
Là encore, elle met en parallèle d’autres
destins, elle montre la multiplicité des situations, du travailleur prêt à se mutiler pour s’échapper à celui satisfait de sa situation. Elle démontre à quel point les
conditions étaient variables. On apprécie aussi la mise en valeur du travail de
recherche réalisé à notre époque en collaboration avec les autorités allemandes.
J’ai particulièrement apprécié cette
dernière partie car elle répondait à mes attentes, mais les deux premières parties sont tout aussi bonnes et le livre est une mine d’informations si vous
travaillez sur la Seconde Guerre mondiale. La force de l’ouvrage réside aussi dans
sa description du travail mémoriel.
III : La
mémoire de la guerre, un héritage à apprivoiser
Notre enquêtrice démarre sur un constat
très simple : la guerre et ses morts ont souvent été non pas oubliés, mais
laissés en sommeil dans l’immédiate après-guerre. On n’en parlait pas. Ceci
rejoint le discours d’autres auteurs, parfois témoins, dont je vous ai présenté
le
travail comme celui de Joseph Weismann.
Deuxième génération née après 1945, la petite-nièce d’André Gondet possède un certain recul, mais ce n’est pas toujours
le cas des personnes qu’elle veut interroger, contemporains des tragiques
événements. Les témoins sont devenus rares et, ceux qui restent, peuvent
parfois hésiter à témoigner. Ce livre offre, au lecteur ayant projet de
collecter des souvenirs, un bel exemple de travail.
Si l’ouvrage livre le récit d’une
recherche auprès des témoins et des archives, il soulève aussi des questions
sur la restitution de ce travail. De nombreuses fois, l’enquêtrice exprime ses
doutes et ses questionnements. Que dire aux descendants d’un collaborateur ?
Jusqu’où questionner les témoins des exactions des allemands ? Comment aborder aussi des sujets difficiles
comme les procès d’après-guerre ? Elle prend même le parti de décrire les crimes
et actes non condamnés de certains résistants. Je vous ai dit, plus haut, qu’elle
n’hésitait pas à explorer les biographies des différents acteurs. Soulignons que le
livre est dur, la torture des services d’occupation y est décrite sans filtre
par exemple. Portrait cruel, mais juste, ce livre raconte le combat pour
coucher une mémoire qui ne soit ni manichéenne, ni unilatérale.
J’ai structuré cet article pour vous
en dire le moins possible sur le parcours d’André Gondet, je ne veux pas vous gâcher
la découverte des mystères que résout sa famille au XXIe siècle. Je sors de
cette lecture avec l’envie d’ouvrir rapidement le deuxième ouvrage « Le
village du silence », même auteur, même éditeur. Je vais attendre un peu,
le temps de bien digérer celui-ci. Je le conseillerai sans nul doute à mes
élèves de généalogie. Pour mes lycéens de terminale, je serai plus hésitante,
le livre est tout même très touffu et, comme déjà expliqué, peint la cruauté
des hommes sans limites. Je jaugerai donc au cas par cas.
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