On entend souvent parler des cahiers de doléances dans les cours d’histoire. Pour autant, qui d’entre nous a pris le temps d’en consulter un ? Il faut savoir que ces cahiers couvrent des thèmes très variés et qui changent selon le type de commune sur laquelle on travaille. Entre une commune rurale et une commune urbaine nous n’aurons pas exactement les mêmes revendications. On retrouve souvent des inquiétudes ou des contestations à propos des impôts.
Il
faut s’armer de patience car la lecture est parfois difficile. En généalogie,
cette démarche permet de nourrir la représentation que nous avons du monde de
nos ancêtres, de comprendre les problèmes locaux. Ainsi on peut percevoir, à la
veille de la Révolution, les soucis que rencontrent les communes de nos
ancêtres. Il n’est pas impossible non plus d’y croiser leur nom.
Aujourd’hui les archives départementales sont de plus en plus nombreuses à les mettre en ligne, en numérisant les originaux et/ou les transcriptions, ces dernières facilitant grandement la lecture.
I -
Les cahiers de doléances, pourquoi et par qui ?
I.a
- La mise en place complexe des cahiers de doléances
Les
cahiers de doléances de 1789 sont les héritiers d’une longue tradition. En
effet, ce type de cahier n’est pas une invention de la Révolution. Pour cela il
faut revenir à la définition des Etats généraux. Lancés au XIVe siècle, ils
permettent à la monarchie de réunir les trois ordres : le clergé, la
noblesse et le tiers-état. Attention, la définition de ce dernier évolue durant
les presque cinq siècles d’existence des Etats généraux. Au départ on distingue
deux réunions, celle des pays de langue d’oïl et celle des pays de langue d’oc.
Cette distinction disparaît à la fin du XVe siècle. C’est à ce moment que se
mettent en place les cahiers de doléances, ils permettent de faire un état des
lieux des réclamations locales. A terme, ils servent à organiser aux mieux la
réunion des Etats-généraux.
Pour
1789, le système est déjà bien abouti. Du moins pour les deux premiers ordres
qui rédigent des cahiers communs. Coté Tiers-état on tâtonne un peu plus, les
cahiers de doléances sont en fait la synthèse de cahiers produits dans le cadre
de la paroisse ou de la corporation. Il faut trois assemblées différentes pour
arriver aux résultats que nous consultons aujourd’hui. Attention ces cahiers
qui font la synthèse restent différents d’une localité à l’autre puisqu’il n’y
a pas de consignes précises sur la forme de la rédaction.
I.b
– Qui participe à la rédaction ?
Les
cahiers de doléances doivent être rédigés selon les débats des assemblées. Sont
invités à participer les hommes de plus de vingt-cinq ans. Ce sont les
principaux appelés, quelques dérogations existent pour certaines femmes, hors
Tiers-état. Il existe des cahiers de doléances rédigés par des femmes. Le
moment est propice à certaines initiatives parallèles et, souvent,
individuelles, comme le Cahier des
doléances et réclamations des femmes de Madame B…B… [1]. Restent aussi les cahiers issus de
corporations très féminisées.
Il
faut retenir que, globalement, les assemblées destinées à la rédaction des
cahiers de doléances sont une réussite si on se base sur le taux de
participation. Il faut à la fois des réunions pour discuter des cahiers à venir
mais aussi des élections en bonne et due forme. En effet, il faut élire les
représentants qui vont porter la parole de l’ensemble du territoire. Malgré de
nombreuses difficultés, les paroisses qui ne rédigent pas un cahier de doléances
sont rares[2].
Vous avez donc toutes les chances que ceux du lieu de résidence de vos aïeux
aient existé. On estime le nombre de cahiers produits à 60 000.
La
richesse, pour le généalogiste amateur, c’est d’y trouver parfois les noms de
ses aïeux, mais surtout, de pouvoir comprendre le contexte dans lequel ils
évoluent.
II
– Inégalité d’accès aux fameux cahiers de doléances
Les
cahiers n’ont pas fait l’objet d’une politique de conservation précise. Nous
allons nous concentrer sur ceux disponibles en ligne, principalement via les
sites des archives départementales. Néanmoins vous pouvez toujours vous référer
à la page de France Archives intitulée « Rechercher un cahier de doléances
de 1789 ». Cette page vous indiquera directement si vos archives départementales
ont mis en ligne les cahiers de doléances. N’oubliez pas de tenter votre chance
sur Gallica si vous en avez le courage. Certains départements, plus généreux,
ont proposé des cahiers de doléances antérieurs à 1789, comme aux archives
départementales du 44.
J’espère
que cette source vous offrira de nombreuses heures de recherche et vous
permettra de découvrir une autre facette des localités où ont vécu vos
ancêtres. On se retrouve bientôt pour une lecture sur le thème de la Révolution.
[1] Envie d’en savoir plus ?
Une lecture : Jürgen Siess, « La construction discursive de la
légitimation : le Cahier des doléances et réclamations de Madame B… B…
1789 », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 21 | 2018, mis en
ligne le 15 octobre 2018.
[2] Si le sujet vous passionne,
direction cette lecture : RATEAU, Philippe. Les cahiers de doléances : Une relecture culturelle. Nouvelle
édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001
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