Chose promise dans le dernier article, chose due. Je vous propose une lecture sur l’époque révolutionnaire. C’est une belle série romanesque, découverte durant l’été, que je conseille désormais à mes élèves comme aux adultes que la période révolutionnaire intéresse. Je n’avais jusqu’ici jamais lu un livre de Timothée de Fombelle, auteur pourtant bien installé dans le paysage français ; c’est avant tout pour rencontrer son écriture que j’ai commencé cette série. Les premières pages ont mis un peu de temps à me conquérir mais ensuite j’ai dévoré les 3 tomes.
L’ouvrage commence en 1786 et va suivre toute une galerie de
personnages, dont Alma pour qui la vie a débuté dans une vallée isolée de
l’Afrique. Si elle donne son nom au roman, de nombreux destins se croisent et
sont autant de fils conducteurs que nous suivons : Joseph, jeune marin sur
un navire négrier, Amélie, fille d’un armateur rochelais, Poussin, le
charpentier de marine, l’ambitieux Saint Ange, le mystérieux Mosi chasseur
d’esclaves devenu proie à son tour, le terrible capitaine Gardel ... Avec-eux,
le lecteur court d’un continent à l’autre autour de l’Atlantique, guettant avec
impatience leur rencontre même si bien souvent leurs vies ne font que se
frôler. A cela s’ajoute une chasse au trésor où tous les coups sont permis.
Le premier tome « Le vent
se lève » dresse avant tout un
portrait complet du trafic triangulaire et de ses acteurs. Timothée de Fombelle
offre un maximum de points de vue. Il propose par exemple, ce qui assez rare en
littérature jeunesse, celui des chasseurs d’esclaves qui se déchirent en
Afrique. Il s’intéresse aussi au rôle des marins les plus modestes sur les
navires négriers : paysans égarés n’ayant jamais navigué, homme d’origine
africaine ou encore mousse déjà très expérimenté comme Joseph Mars. Quand nous
nous retrouvons au fond des cales, avec les captifs, nous connaissons leurs
histoires, leurs captures, mais aussi la peur qui habite les marins sur le
pont. Ce tome est particulièrement réussi, car, de la Rochelle aux Antilles,
nous comprenons les mécanismes qui permettent à ce système économique cruel de
fonctionner.
Le deuxième tome est plus
complexe, il se concentre désormais sur deux grands thèmes : le fonctionnement des plantations
(ici Saint Domingue et la Nouvelle-Orléans) et la montée des mouvements abolitionnistes en Europe (Royaume-Uni
et France). Nos personnages adolescents grandissent et s’endurcissent.
L’instabilité politique gagne tous les pays où nous suivons nos héros désormais
éparpillés. Là encore, les personnalités ambiguës ne manquent pas et on n’hésite
pas à supprimer purement et simplement ses ennemis. Pourquoi ne pas faire
enfermer un adversaire sur un bateau, direction
les bagnes australiens de la couronne anglaise ? C’est dans ce tome
que les intentions de chacun deviennent plus nettes pour le lecteur, éclairant
largement les actes du premier tome.
Le troisième et dernier livre
nous projette violemment dans le Paris
de 1789, où nous irons jusqu’à participer à la prise de la Bastille. Le temps a passé, depuis le premier tome,
et nos personnages deviennent adultes et doivent désormais assumer les
conséquences des choix faits les années précédentes. Les personnages principaux
n’ont aucune intention de participer à la Révolution, seuls leurs différents
projets et vengeances personnels les motivent. Timothée de Fombelle présente
toute la complexité de la Révolution et
les milieux qui tentent de tirer profit de la situation pour faire affaire, peu
importe l’ordre (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat) auquel ils appartiennent.
L’auteur réalise le tour de force de clore les destinées de ses personnages
principaux en refermant l’histoire sur la Révolution Haïtienne sans nous laisser
sur notre faim.
Résumer cette saga sans la
trahir est presque impossible, on ne peut en montrer l’étendue. Parfois presque
trop touffu, le récit de Timothée de Fombelle est un voyage qu’on regrette de
terminer, car mille fils semblent encore à tirer. Il faut pourtant bien savoir
s’arrêter. En ayant donné à voir le trafic triangulaire dans toute sa
complexité, il permet aux jeunes et aux adultes d’éviter l’écueil d’une lecture trop
simpliste de la période. L’édition grand format est, en plus, de belle
qualité et assez attirante grâce à des couvertures réussies.
Je réalise à cette occasion que
ma bibliothèque personnelle n’est pas très fournie sur la période
révolutionnaire. Cette série, pourtant n’est pas sans m’en rappeler une autre :
Sous le Vent de la liberté de
Christian Léourier, dont le héros, Jean
de Kervadec, vivait sur les mers, puis chez les indiens d’Amérique, avant de
revenir dans un Paris en plein chaos révolutionnaire. N’hésitez pas à vous la
procurer si vous avez aimé Alma, vous
compléterez ainsi ce tableau de la fin agitée du XVIIIe siècle. Ici c’est un
portrait de la guerre d’Indépendance américaine et une exploration des
territoires nord-américains qui n’apparaissent presque pas dans la série de Timothée
de Fombelle. Les deux récits s’avèrent complémentaires.
J’espère que vous tenterez
l’aventure Alma et vous embarquerez à
votre tour sur le navire « La douce Amélie », autre personnage central
dont je vous laisse découvrir le rôle clef en ouvrant ces pages.
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