Mince alors… On m’a volé mes aïeux ?

Avant de débuter mes recherches mes recherches, mes 
arrière-grands-parents n'avaient, pour moi, ni nom ni visage. 
Je me suis particulièrement attachée à eux.

            Lorsque nous nous lançons dans la généalogie, nous nous apprêtons à passer un temps précieux avec nos ancêtres. Je dis bien avec eux. Nous allons consacrer des heures de nos vies à découvrir la leur. Parfois une après-midi à rentrer les dates d’enfants morts en bas âge peut vous saper le moral. En généalogie, on ne fait pas que remplir des fiches. On a déjà, parfois, un attachement particulier car on a connu ce grand-père ou cette arrière-grand-mère. Il peut aussi parfois s’agir d’une énigme familiale qui vous pousse à vous acharner sur une piste particulière. Enfin, il arrive qu’on se penche sur un aïeul qu’on n’a jamais croisé et, sans savoir pourquoi on s'y attache plus qu'à un autre. J’ai ainsi une affection particulière pour mon arrière-grand-père maternel Gabriel.

La généalogie n’est donc pas une étude historique froide, on y met un peu de nous-même. Pourtant, un jour, vous découvrez vos ancêtres, vos grands-parents ou arrière-grands-parents sur un autre arbre en ligne. Nous ne réagissons pas tous pareillement à cette découverte, certains d’entre nous se sentent même spoliés de leur ancêtres. Il me semblait intéressant de revenir sur ce sujet en détail, pour éviter des crispations inutiles et les envois de mails incendiaires. 

Attention : cet article ne traite pas du problème des recopiages massifs par certains comptes, véritables aspirateurs à arbres. C’est un autre sujet qu’on ne traitera pas aujourd’hui.

             Nous allons nous pencher sur les personnes qui ont ajouté, en toute bonne foi, des membres de votre famille dans leur arbre. Ces généalogistes ont parfois recopié les informations sur un arbre en ligne, ou sont parvenus à découvrir ces ancêtres via les sources habituelles de la généalogie. L’idée est d’avoir une petite liste de questions à se poser avant d’envoyer un message furieux au propriétaire de l’arbre, exigeant de retirer telle ou telle donnée.

            Précaution n° 1 : Toutes les personnes présentes dans un arbre familial, ne sont pas les ancêtres directs de la souche de cet arbre. Plus on avance en généalogie, plus on comprend l’importance des « personnages secondaires » de la vie de nos aïeux. Dans mon arbre seuls 20% des individus enregistrés sont mes ascendants directs. Je tente, autant que faire se peut, de rechercher par exemple tous les frères et sœurs de mes ancêtres. D’autres passionnés, plus consciencieux que moi, notent aussi les parrains, marraines, témoins. Autant de fiches qui se trouvent être dans votre arbre sans être forcément liées à la souche de l’arbre. On ne peut pas exiger d’une personne que toutes les fiches soient celles de ses aïeux. On a le droit de faire un arbre sur une famille qui n'est pas la nôtre.  

Précaution n° 2 : Un arbre n’est pas forcément familial. Il existe de nombreux projets en ligne d’arbres qui ne sont pas basés sur une famille. Certaines personnes construisent et mettent en ligne des arbres thématiques. Des passionnés font ainsi l’arbre généalogique d’un village. De même, d’autres personnes peuvent aussi travailler sur un patronyme précis et collecter les différentes personnes portant ce nom en cherchant s’ils ont une origine commune. Vous pouvez donc retrouver des membres de votre famille dans ce type d’arbre.

Précaution n° 3 : Liens familiaux et réalité temporelle. Nous allons le voir par la suite, la période historique concernée est importante pour prendre du recul et se référer à la loi. Si vous êtes récipiendaire d’un mail vous demandant de retirer un individu, vous pouvez ne pas comprendre les émotions de celui qui l'a rédigé. La période historique vous semble très éloignée, pourtant pour l’auteur le lien est proche, il s’agit peut-être de son père, même s’il est né dans les années 1900. Les générations n’ont pas grand sens quand on évoque des distances dans le temps, nous l’avions déjà évoqué dans Mince alors… Mes demandes d’aide en ligne restent lettre morte, que faire ?.

Précaution n° 4 : Se référer à la loi, le cas des vivants. Avant d’envoyer ce message scandalisé qui vous démange le bout des doigts, ou pour répondre posément, revenez-en à la loi. Une personne vivante qui se découvre sur un arbre en ligne peut exiger du propriétaire de l’arbre d’en être retirée. Attention, c’est à la personne de formuler cette demande, vous ne pouvez pas le faire pour quelqu’un d’autre, exception faite de vos enfants mineurs. Je vous invite à la lecture de cet article sur Geneanet, même s’il n’est pas tout récent : Généalogie, vie privée et protection des données, un avocat fait le point.

Précaution n° 5 : Se référer à la loi, le cas des défunts. Vous venez de trouver votre grand-mère dans un arbre avec des détails qui ne laissent aucun doute sur son identité. Pour des raisons diverses et personnelles vous souhaiteriez la faire retirer. Pour les défunts il n’y a aucune restriction, on n’a donc pas la possibilité de demander légalement au propriétaire de l’arbre de retirer la fiche.

Précaution n° 6 : La confidentialité des données de moins de 100 ans. Pour éviter de commettre un impair, il vaut mieux ne pas diffuser d’informations pouvant concerner des gens encore en vie. La plupart des sites de mise en ligne de votre arbre propose une option « masquer toutes les données de moins de 100 ans » par exemple. Si je conseille en général de l’utiliser, j’ai toujours un peu de peine à le faire car elle complique largement les recherches de cousins vivants. La protection de la vie privée et le respect des choix de chacun restent primordiaux et ceci ne se discute pas. Peut-être, dans quelques années, différentes options plus fines seront possibles.

Précaution n° 7 : L’origine des informations récentes vous questionne. Parfois on est aussi surpris par le fait qu’un arbre puisse contenir des informations très récentes sur des membres proches de notre famille ou sur nous-même. On trouve parfois des informations qui ne peuvent être obtenues en aucun cas par l’état civil dont les délais de communicabilité sont très précis. C’est oublier que de nombreuses informations sont reproduites sous d’autres formes. Point besoin pour moi d’aller aux archives pour de nombreuses dates de mariage et naissance de l’entourage (familles, amis, voisins), mes grands-parents ont conservé de nombreux faire-part, dont la collection s’est transmise. Grâce à cela on peut avoir de nombreuses dates avant leur mise en ligne officielle. De même les avis de décès donnent aussi la composition des familles (en descendance) des défunts ce qui explique qu’on retrouve parfois ces données dans des arbres. Attention, toutes ces informations si elles concernent des vivants doivent être supprimées dès qu’ils en font la demande comme vu plus haut.

Précaution n° 8 : Même la diffusion de fausses informations sur vos aïeux n'est pas une raison valable pour exiger le retrait d'une fiche. Même des inexactitudes écrites sur vos ancêtres ne peuvent obliger à retirer la fiche. De manière générale on n’est pas obligé de dire la vérité sur une personne décédée. Sur un mort, vous êtes libre d’écrire un livre complet qui soit un tissu de mensonges (rappelez vous comme j’ai grincé des dents à plusieurs reprise à propos de ce roman jeunesse et aussi à la lecture de Corentine). On ne pourra pas vous poursuivre. Alors sur un arbre en ligne vous pouvez vous en donner à cœur joie. Votre crédibilité et votre sérieux par contre, risquent d’en prendre un coup.

A retenir : Nous ne sommes pas les propriétaires de nos aïeux. Cette phrase ne nie en aucun cas l’attachement que nous pouvons avoir à leur égard. Il s’agit simplement de s’en souvenir pour prendre du recul lorsqu’une situation nous heurte.

J’espère que cette fiche « Mince alors… » vous permettra de réfléchir, que vous soyez prêt à taper un message suite à une découverte, ou que vous en soyez le destinataire. Dans les deux cas prenez du recul, et restez courtois. Au-delà de la loi, une discussion permet souvent de comprendre les motivations de chacun et de trouver un terrain d’entente.

Bonnes recherches à tous.