lundi 21 avril 2025

Les outils du généalogiste : Le Maitron

 

            J’ai un peu mis de côté la rubrique généalogique ces derniers temps, privilégiant mes élèves de collège et de lycée. Un ami m’a pourtant suggéré un excellent sujet récemment. Il m’a demandé si j’avais déjà parlé de la base du Maitron. Il est vrai que je n’ai pas évoqué cette source, alors qu’elle m’est souvent utile. Elle m’avait par exemple été d’une aide précieuse lors de l’écriture de l’article sur Baptistin Etienne. Imaginez un dictionnaire de 200 000 notices biographiques contemporaines désormais en ligne. Certes, c’est un tout petit échantillon de la population de nos ancêtres, mais il ne faut pas l’ignorer car elle s’intéresse à de nombreux personnages où les autres sources sont très réduites.

            Jean Maitron, puisque le dictionnaire porte le nom de son créateur, est né en 1910 dans une famille où se croisent anarchistes et communistes. Fils d’instituteurs, il progresse rapidement à l’école. Il rentre au lycée après l’école élémentaire, en internat, une période dont il ne gardera pas un bon souvenir, révolté contre la vie enfermée dans ce qu’il appelle « des bagnes d’enfants ». Il s’illustre jusqu’au bac et rentre en hypokhâgne dans le célèbre lycée Louis Le Grand. Jeune adulte, il voyage jusqu’en URSS, un pays qu’il pense en adéquation avec ses convictions politiques. La déception est grande, il dira que ce fut « un drame » pour lui, mais il ne le dénonce pas à son retour en France. Il le regrettera plus tard en disant que sa génération a « cru aux utopies de [ses] pères ». Il devient à son tour instituteur, il travaille dans l’enseignement primaire. Lui, qui s’éloignera définitivement du PCF à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, quitte l’action politique et ne se consacre plus qu’à sa recherche historique. Sa thèse sur l’anarchisme en 1950 est le début d’un parcours professionnel à l’Université qui lui permet d’intégrer le CNRS et la Sorbonne. Il sera le fondateur du Centre d'histoire du syndicalisme, une dizaine d’années avant sa retraite qui intervient en 1976. Si vous souhaitez en savoir plus sur Jean Maitron, de nombreuses sources existent, France Culture lui a consacré plusieurs émissions.

            L’œuvre de la vie de ce personnage atypique est son « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français ». C’est à ce grand ouvrage qu’on donne le nom de « Maitron ». A l’origine c’est un bel ensemble de 43 tomes qui tracent le portrait d’hommes et de femmes qui ont marqué les différentes facettes des mouvements ouvriers. Jean Maitron avait donc lancé une initiative pour rechercher ces noms perdus dans l’histoire, un gréviste, un syndicaliste ou un militant au sens plus global. Il se tourne vers différents correspondants locaux, dans tous les départements, des bénévoles récoltent les informations pour Jean, dans les archives locales, auprès des anciens militants, de leurs enfants et dans les archives des associations et des syndicats.

Ce long travail, Jean n’en verra pas la fin, une de ses angoisses, heureusement il avait préparé la relève. Au décès de Jean Maitron, en 1987, ce travail est repris et enrichi. Il avait travaillé sur le XIXe siècle et jusqu’à 1939, il s’arrêtait personnellement à cette date qui était pour lui, historiquement et personnellement, une fracture dans l’histoire ouvrière. Ses successeurs ajoutèrent 12 volumes pour couvrir la période suivante, jusqu’en 1968, et surtout lancèrent l’idée de mettre en ligne ce gigantesque travail. Le Maitron a aussi progressivement pris une dimension internationale, le nombre de ses contributeurs s’est élargi, depuis sa création, on compte plus de 1500 auteurs de notices. Il faut tout de même noter que depuis quelques années, le Maitron connaît des difficultés et des tensions qui bloquent la suite de ce travail. Cela a même fait l’objet d’une question à l’assemblée que vous pouvez consulter en ligne pour découvrir les différentes causes de ce ralentissement. Il faudra rester attentif quant au maintien et à la mise à jour régulière de cette œuvre titanesque et si précieuse.

            Pour chercher dans le Maitron, c’est désormais très simple, il faut se rendre sur le site : maitron.fr. En haut, vous pouvez chercher directement un nom ou préférer une recherche avancée. Celle-ci est très intéressante car vous pouvez sinon vous retrouver noyé sous les homonymes. Une fois votre fiche identifiée, vous arrivez sur une page ainsi présentée : le nom et le prénom sur fond rouge, le nom du contributeur, les sources, les notices liées à celle-ci. Les fiches sont forcément inégales dans leur longueur et dans la richesse de leur contenu, mais certaines ont même une photo. C’est une magnifique source, comme point de départ pour une généalogie, elle vous donnera des indications, par exemple sur un aïeul. Je la trouve, à titre personnel, aussi très utile si vous réalisez la généalogie d’un village, d’un maquis ou d’une entreprise. Avec ses multiples extensions sur les volontaires de la guerre d’Espagne, les fusillés, ou encore certaines professions spécifiques, le Maitron vous offre des milliers de possibilités de recherche.

             Si vous-même avez déjà fait une découverte dans cette base, n’hésitez pas à nous la raconter en commentaire. Vous pouvez aussi partager avec les autres amateurs de généalogie vos références de bases biographiques spécialisées. Bonne promenade généalogique à tous et rendez-vous bientôt pour une nouvelle critique de livre.

            Bonnes recherches à tous.  

A lire :

Claude PENNETIER, « L’histoire collective de Jean Maitron » in laviedesidees.fr, le  octobre 2017

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