J’ai un peu mis de côté la rubrique généalogique ces derniers temps, privilégiant mes élèves de collège et de lycée. Un ami m’a pourtant suggéré un excellent sujet récemment. Il m’a demandé si j’avais déjà parlé de la base du Maitron. Il est vrai que je n’ai pas évoqué cette source, alors qu’elle m’est souvent utile. Elle m’avait par exemple été d’une aide précieuse lors de l’écriture de l’article sur Baptistin Etienne. Imaginez un dictionnaire de 200 000 notices biographiques contemporaines désormais en ligne. Certes, c’est un tout petit échantillon de la population de nos ancêtres, mais il ne faut pas l’ignorer car elle s’intéresse à de nombreux personnages où les autres sources sont très réduites.
Jean Maitron, puisque le
dictionnaire porte le nom de son créateur, est né en 1910 dans une famille où
se croisent anarchistes et communistes. Fils d’instituteurs, il progresse
rapidement à l’école. Il rentre au lycée après l’école élémentaire, en
internat, une période dont il ne gardera pas un bon souvenir, révolté contre la
vie enfermée dans ce qu’il appelle « des bagnes d’enfants ». Il
s’illustre jusqu’au bac et rentre en hypokhâgne dans le célèbre lycée Louis Le
Grand. Jeune adulte, il voyage jusqu’en URSS, un pays qu’il pense en adéquation
avec ses convictions politiques. La déception est grande, il dira que ce fut « un
drame » pour lui, mais il ne le dénonce pas à son retour en France. Il le
regrettera plus tard en disant que sa génération a « cru aux utopies de [ses]
pères ». Il devient à son tour instituteur, il travaille dans
l’enseignement primaire. Lui, qui s’éloignera définitivement du PCF à l’aube de
la Seconde Guerre mondiale, quitte l’action politique et ne se consacre plus qu’à
sa recherche historique. Sa thèse sur l’anarchisme en 1950 est le début d’un
parcours professionnel à l’Université qui lui permet d’intégrer le CNRS et la
Sorbonne. Il sera le fondateur du Centre d'histoire du syndicalisme, une
dizaine d’années avant sa retraite qui intervient en 1976. Si vous souhaitez en
savoir plus sur Jean Maitron, de nombreuses sources existent, France Culture lui
a consacré plusieurs émissions.
L’œuvre de la vie de ce personnage
atypique est son « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français ».
C’est à ce grand ouvrage qu’on donne le nom de « Maitron ». A
l’origine c’est un bel ensemble de 43 tomes qui tracent le portrait d’hommes et
de femmes qui ont marqué les différentes facettes des mouvements ouvriers. Jean
Maitron avait donc lancé une initiative pour rechercher ces noms perdus dans l’histoire,
un gréviste, un syndicaliste ou un militant au sens plus global. Il se tourne
vers différents correspondants locaux, dans tous les départements, des
bénévoles récoltent les informations pour Jean, dans les archives locales,
auprès des anciens militants, de leurs enfants et dans les archives des
associations et des syndicats.
Ce
long travail, Jean n’en verra pas la fin, une de ses angoisses, heureusement il
avait préparé la relève. Au décès de Jean Maitron, en 1987, ce travail est
repris et enrichi. Il avait travaillé sur le XIXe siècle et jusqu’à 1939, il s’arrêtait
personnellement à cette date qui était pour lui, historiquement et personnellement,
une fracture dans l’histoire ouvrière. Ses successeurs ajoutèrent 12 volumes
pour couvrir la période suivante, jusqu’en 1968, et surtout lancèrent l’idée de
mettre en ligne ce gigantesque travail. Le Maitron a aussi progressivement pris
une dimension internationale, le nombre de ses contributeurs s’est élargi,
depuis sa création, on compte plus de 1500 auteurs de notices. Il faut tout de
même noter que depuis quelques années, le Maitron connaît des difficultés et
des tensions qui bloquent la suite de ce travail. Cela a même fait l’objet d’une
question à l’assemblée que vous pouvez consulter en ligne pour découvrir
les différentes causes de ce ralentissement. Il faudra rester attentif quant au
maintien et à la mise à jour régulière de cette œuvre titanesque et si
précieuse.
Pour chercher dans le Maitron, c’est
désormais très simple, il faut se rendre sur le site : maitron.fr. En haut,
vous pouvez chercher directement un nom ou préférer une recherche avancée. Celle-ci
est très intéressante car vous pouvez sinon vous retrouver noyé sous les
homonymes. Une fois votre fiche identifiée, vous arrivez sur une page ainsi
présentée : le nom et le prénom sur fond rouge, le nom du contributeur, les
sources, les notices liées à celle-ci. Les fiches sont forcément inégales dans
leur longueur et dans la richesse de leur contenu, mais certaines ont même une
photo. C’est une magnifique source, comme point de départ pour une généalogie,
elle vous donnera des indications, par exemple sur un aïeul. Je la trouve, à
titre personnel, aussi très utile si vous réalisez la généalogie d’un village,
d’un maquis ou d’une entreprise. Avec ses multiples extensions sur les
volontaires de la guerre d’Espagne, les fusillés, ou encore certaines
professions spécifiques, le Maitron vous offre des milliers de possibilités de
recherche.
Si vous-même avez déjà fait une découverte
dans cette base, n’hésitez pas à nous la raconter en commentaire. Vous pouvez
aussi partager avec les autres amateurs de généalogie vos références de bases
biographiques spécialisées. Bonne promenade généalogique à tous et rendez-vous
bientôt pour une nouvelle critique de livre.
Bonnes recherches à tous.
A lire :
Claude
PENNETIER, « L’histoire collective de Jean Maitron » in laviedesidees.fr, le octobre 2017
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