J’ai laissé
la rubrique « mince alors » au repos durant quelques mois, ces
articles demandent du temps et le travail ne m’en laissait pas. Je prévois
plusieurs dossiers de ce type pour les mois à venir car je sais qu’ils sont
assez appréciés par les débutants. Vos questions sont bienvenues en commentaire
pour orienter les prochains dossiers. Vous pouvez retrouver les dossiers de cette
série en suivant ce lien. Aujourd’hui, je pars comme d’habitude d’une
interrogation qui arrive régulièrement à mes oreilles et m’arrache un sourire
que je ne veux jamais vexant pour mon interlocuteur. Je ne me moque pas, je
mesure la méconnaissance de beaucoup de gens quant à ce que représente
l’imprévisible travail de fourmis des généalogistes. Cette question est
formulée de différentes manières, le plus couramment « C’est long de faire
sa généalogie ? ». Parfois, quand les gens envisagent de prendre des
cours avec moi, ils me demandent aussi « Il faut combien de séances pour
apprendre à faire de la généalogie ? ». Je vous propose de retrouver
Néo GENEA, notre généalogiste amateur fictif, que nous avions déjà tenté de
conseiller dans l’article « Mince alors… Mes demandes d’aide en ligne restent lettre morte, que faire ? ».
Notre
ami Néo GENEA veut donc se lancer dans sa généalogie mais se demande combien de
temps cela va lui prendre pour livrer un arbre généalogique complet. Il
voudrait en effet l’achever pour Noël de façon à l’offrir à ses parents. Voici
les questions à poser pour l’aider. Pour commencer, quelques points
d’attention sur les obstacles qui peuvent expliquer la longueur de vos
recherches.
Qu’avez-vous comme documents familiaux en votre possession ?
Je
vous avais parlé dans « Mince alors… Comment débuter mes recherches généalogiques ? », de l’importance de faire le point sur ce que nous
savons déjà. Certains de mes élèves ont une importante documentation,
parfois déjà soigneusement classée. D’autres n’ont rien de plus que leur propre
acte de naissance. La collecte des premières informations contemporaines, comprises dans le
délai des soixante-quinze dernières années est souvent un peu laborieuse pour
les débutants. Elle demande, soit de questionner l’entourage, qui dans ce cas
doit être convaincu par notre démarche, soit de s’adresser aux voies
traditionnelles. Les demandes en mairie des actes de nos parents et
grands-parents sont encore parfois longues car elles dépendent des
disponibilités des employés et de la régularité des services postaux. Nos
premiers pas en généalogie ne conditionnent pas notre vitesse de croisière mais
sont parfois plus laborieux. Notre ami Néo
GENEA possède déjà de nombreuses informations dont plusieurs
livrets de famille. Il pourra donc se lancer rapidement dans ses
recherches. On lui conseillera quand même en parallèle de demander les actes de
ses parents et de ses grands-parents. En effet les actes contiennent des informations
qui ne sont pas reprises dans le livret.
Savez-vous sur combien de départements s’étend votre
généalogie ?
On
croit parfois savoir d’où vient notre famille, souvent la généalogie nous
réserve des surprises. Néanmoins quand un élève m’annonce une famille dispersée
sur plusieurs régions ou même à l’étranger, je sais que ses recherches partent
avec un petit handicap. Un handicap qui leur offrira une grande richesse, mais
qui, pour un débutant, va demander de maîtriser plusieurs chemins d’accès aux
actes. En effet, même si les cadres de classement principaux sont les mêmes,
l’accès aux ressources en ligne est presque systématiquement différent. Vous
me direz qu’on n’est pas forcément obligé de passer par internet, mais dans ce
cas plus vous aurez de départements plus les déplacements seront nombreux et
donc chronophages. Neo GENEA sait qu’une
branche de sa famille est originaire de Bretagne bien que depuis quelques
générations elle ait pris racine à Paris. Néanmoins il n’est pas dit qu’avec les multiples brassages de la
capitale, notre jeune généalogiste n’aille pas explorer d’autres
départements.
Quelles professions exerçaient vos aïeux au cours des
cents dernières années ?
Drôle de
question me direz-vous. En quoi cela est-il déterminant pour vos premiers pas ?
Cette interrogation peut surprendre, mais selon la profession, les recherches
seront plus ou moins aisées. Ainsi la plupart des paysans, hormis les
journaliers et les métayers les plus pauvres, bougent assez peu. Une famille
peut rester souvent plusieurs décennies ou plusieurs siècles aux alentours
d’une commune ou même d’un lieu-dit. On peut ainsi travailler très rapidement
grâce aux tables décennales communales. A l’inverse une famille de sabotiers ou
de forains par exemple est beaucoup plus mobile, les naissances s’enchaînent
souvent dans différentes communes et les tombes sont dispersées. Par ailleurs certaines
professions offriront des possibilités de recherches exceptionnelles car elles
ont fait l’objet d’un contrôle administratif régulier. On pense ici aux
militaires de carrière, aux fonctionnaires (ex. : instituteur, douanier,
employé des p.t.t. …), aux commerçants, aux mineurs… Ceci est un atout car ces
dossiers permettent de débloquer des impasses qui surgissent parfois dans
l’état civil. C’est aussi un moyen d’étoffer vos recherches, nous en
reparleront plus loin. Les professions comme certaines fonctions, les élus,
offrent aussi un grand nombre d’occurrences dans la presse, encore un moyen de
prolonger les recherches. Néo GENEA sait
que l’un de ses arrière-grands-pères fut facteur. Sachant que ces postes étaient
la plupart du temps des emplois réservés à d’anciens militaires, il devrait
sans mal retrouver les informations essentielles à propos de cet aïeul.
Quels outils souhaitez-vous utiliser pour faire vos
recherches ?
Comme pour n’importe quelle activité, les outils que vous avez utilisés vont accélérer ou ralentir vos recherches. Depuis quelques décennies la généalogie est passée d’une pratique purement papier/crayon à une diversification des modes de recherche. Après le minitel, la généalogie a explosé avec une multitude de sites, dont l’apparition des dizaines de sites des archives départementales par exemple. On a vu se développer en parallèle une armada de logiciels pour entrer nos données généalogiques et les organiser avec efficacité. Pour certains c’est un gain de temps (pour autant qu’on pense à sauvegarder régulièrement), pour d’autres c’est un enfer. Certaines personnes peinent vraiment à utiliser les outils numériques au risque de passer plus de temps à tenter de maîtriser l’outil qu’à faire de la généalogie. Ne vous imposez aucun outil, si vous souhaitez en apprivoiser de nouveaux prenez votre temps. Nous reviendrons dans un autre article sur les logiciels de généalogie. Il est rare de toute manière de n’utiliser que les outils numériques, nous voguons généralement de l’un à l’autre. Si l’utilisation des sites des archives devient progressivement incontournable et que vous êtes allergique à l’informatique sachez que vous mettrez sûrement un peu plus de temps que votre voisin, mais à force d’entraînement régulier, cela deviendra naturel. Néo GENEA n’a aucun mal avec l’ordinateur mais il lui faudra s’habituer au code de la généalogie : GEDCOM, numérotation sosa automatisée, création d’arbres en ligne. Même avec une grande habitude des écrans et des souris, nous sommes tous débutants au départ.
Avez-vous des implexes dans votre arbre ?
La question est un peu traître
puisque les débutants ignorent souvent ce qu’est un implexe. Vous pouvez vous
pencher sur ce problème via un autre article présent sur le blog « Mince alors… Un implexe, une drôle de bête
dans mon arbre ? ». Il s’agit d’un ancêtre qui apparaît à plusieurs
reprises dans votre arbre, il arrive en effet que des cousins, plus ou moins
éloignés, se marient entre eux. Vous pourrez dons vous trouver avec des branches déjà faîtes. Réfléchissez bien, ne vous a-t-on pas dit que vos grands-parents avaient
un lointain lien de parenté ? Ou que telle cousine venait des mêmes hameaux
que son fiancé, où résidaient les mêmes familles depuis des décennies ? Il
se pourrait bien qu’un implexe se cache derrière ces souvenirs de famille. Dans
ce cas vous gagnerez du temps, mais n’oubliez pas, la généalogie n’est pas une
course. Néo GENEA ne le sait pas encore
mais ses grands-parents maternels se sont rencontrés à la noce d’un cousin. Il se trouve qu’en remontant, il découvrira qu’ils ont effectivement un
arrière-grand-père en commun. Une branche qui apparaîtra donc en double s’il
décide finalement de remonter plus haut dans son arbre.
Comment définissez-vous un arbre généalogique complet ?
On touche là au point le plus
important, les généalogistes n’auront jamais une définition unanime de l’arbre
généalogique complet. Nous n’avons pas les mêmes objectifs quand nous nous lançons
et au fil de nos découvertes ils ont tendance à changer. Quand les
généalogistes commencent, leurs motivations sont souvent très différentes :
retrouver le plus ancien porteur de notre nom de famille, reconstituer une
fratrie, retracer le parcours professionnel d’un grand père. Nos fiches sont plus
ou moins détaillées, on peut se contenter du trio de base (naissance, mariage,
décès) ou vouloir rentrer dans les détails. Là encore, chacun aura ses
marottes : les professions, les domiciles, les fratries, les parcours
militaires. Vos choix seront plus ou moins décisifs mais ne présagent pas des difficultés que vous pourriez rencontrer. Néo GENEA, pressé par l’échéance de son cadeau, veut se concentrer pour
remonter seulement à ses arrière-arrière-grand parents. Il souhaite tout de
même détailler au maximum le parcours de chacun. Il se retrouve rapidement
noyé sous les informations quand il entame des recherches sur son
arrière-grand-mère. En cherchant dans la presse ancienne, il découvre en effet
qu’elle a été mêlée à une affaire douteuse et qu’il y a eu un procès. Parfois
nous sommes ralentis dans nos recherches par la masse des données à trier.
L’obstacle en généalogie ce n’est pas toujours la difficulté à trouver une
date.
La généalogie n’a pas de fin.
Vous l’aurez compris, personne ne
peut savoir combien de temps il vous faudra pour apprivoiser la généalogie, ni
les particularités qui vous mèneront à des recherches hors-norme. On ignore
aussi combien de temps vous y consacrerez par semaine. Par ailleurs, en une
heure on peut parfois reconstituer une famille comme ne pas trouver un seul
acte. Une chose est certaine, la généalogie vous apprendra la patience. Plus
vous creuserez, plus vous aurez envie d’explorer des pistes dont vous
n’envisagiez même pas l’existence. Nous avons ici concentré nos questions sur
la généalogie ascendante mais vous pouvez aussi prolonger la recherche avec la
généalogie descendante en cherchant par exemple tous les
enfants et petits-enfants de vos arrière-grands-parents. On sait quand on
commence sa généalogie, mais jamais quand on la termine. Vous ferez sûrement
des pauses durant vos recherches, et si ce n’est pas vous qui reprenez cette
quête historique, un autre membre de la famille le fera peut-être.
Je vous souhaite d’être aussi
passionné que moi et mes élèves. Nous nous retrouverons le mois prochain pour
un autre « Mince alors… » où nous nous interrogerons sur le coût de
cette activité.
Bonnes recherches à tous.
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