mardi 23 août 2022

Mince alors… combien de temps pour faire sa généalogie ?



            J’ai laissé la rubrique « mince alors » au repos durant quelques mois, ces articles demandent du temps et le travail ne m’en laissait pas. Je prévois plusieurs dossiers de ce type pour les mois à venir car je sais qu’ils sont assez appréciés par les débutants. Vos questions sont bienvenues en commentaire pour orienter les prochains dossiers. Vous pouvez retrouver les dossiers de cette série en suivant ce lien. Aujourd’hui, je pars comme d’habitude d’une interrogation qui arrive régulièrement à mes oreilles et m’arrache un sourire que je ne veux jamais vexant pour mon interlocuteur. Je ne me moque pas, je mesure la méconnaissance de beaucoup de gens quant à ce que représente l’imprévisible travail de fourmis des généalogistes. Cette question est formulée de différentes manières, le plus couramment « C’est long de faire sa généalogie ? ». Parfois, quand les gens envisagent de prendre des cours avec moi, ils me demandent aussi « Il faut combien de séances pour apprendre à faire de la généalogie ? ». Je vous propose de retrouver Néo GENEA, notre généalogiste amateur fictif, que nous avions déjà tenté de conseiller dans l’article « Mince alors… Mes demandes d’aide en ligne restent lettre morte, que faire ? ».

            Notre ami Néo GENEA veut donc se lancer dans sa généalogie mais se demande combien de temps cela va lui prendre pour livrer un arbre généalogique complet. Il voudrait en effet l’achever pour Noël de façon à l’offrir à ses parents. Voici les questions à poser pour l’aider. Pour commencer, quelques points d’attention sur les obstacles qui peuvent expliquer la longueur de vos recherches.


Qu’avez-vous comme documents familiaux en  votre possession ?

Je vous avais parlé dans « Mince alors… Comment débuter mes recherches généalogiques ? », de l’importance de faire le point sur ce que nous savons déjà. Certains de mes élèves ont une importante documentation, parfois déjà soigneusement classée. D’autres n’ont rien de plus que leur propre acte de naissance. La collecte des premières informations contemporaines, comprises dans le délai des soixante-quinze dernières années est souvent un peu laborieuse pour les débutants. Elle demande, soit de questionner l’entourage, qui dans ce cas doit être convaincu par notre démarche, soit de s’adresser aux voies traditionnelles. Les demandes en mairie des actes de nos parents et grands-parents sont encore parfois longues car elles dépendent des disponibilités des employés et de la régularité des services postaux. Nos premiers pas en généalogie ne conditionnent pas notre vitesse de croisière mais sont parfois plus laborieux. Notre ami Néo GENEA possède déjà de nombreuses informations dont plusieurs livrets de famille. Il pourra donc se lancer rapidement dans ses recherches. On lui conseillera quand même en parallèle de demander les actes de ses parents et de ses grands-parents. En effet les actes contiennent des informations qui ne sont pas reprises dans le livret.    

Savez-vous sur combien de départements s’étend votre généalogie ?

On croit parfois savoir d’où vient notre famille, souvent la généalogie nous réserve des surprises. Néanmoins quand un élève m’annonce une famille dispersée sur plusieurs régions ou même à l’étranger, je sais que ses recherches partent avec un petit handicap. Un handicap qui leur offrira une grande richesse, mais qui, pour un débutant, va demander de maîtriser plusieurs chemins d’accès aux actes. En effet, même si les cadres de classement principaux sont les mêmes, l’accès aux ressources en ligne est presque systématiquement différent. Vous me direz qu’on n’est pas forcément obligé de passer par internet, mais dans ce cas plus vous aurez de départements plus les déplacements seront nombreux et donc chronophages. Neo GENEA sait qu’une branche de sa famille est originaire de Bretagne bien que depuis quelques générations elle ait pris racine à Paris. Néanmoins il n’est pas dit qu’avec les multiples brassages de la capitale, notre jeune généalogiste n’aille pas explorer d’autres départements.    

Quelles professions exerçaient vos aïeux au cours des cents dernières années ?

            Drôle de question me direz-vous. En quoi cela est-il déterminant pour vos premiers pas ? Cette interrogation peut surprendre, mais selon la profession, les recherches seront plus ou moins aisées. Ainsi la plupart des paysans, hormis les journaliers et les métayers les plus pauvres, bougent assez peu. Une famille peut rester souvent plusieurs décennies ou plusieurs siècles aux alentours d’une commune ou même d’un lieu-dit. On peut ainsi travailler très rapidement grâce aux tables décennales communales. A l’inverse une famille de sabotiers ou de forains par exemple est beaucoup plus mobile, les naissances s’enchaînent souvent dans différentes communes et les tombes sont dispersées. Par ailleurs certaines professions offriront des possibilités de recherches exceptionnelles car elles ont fait l’objet d’un contrôle administratif régulier. On pense ici aux militaires de carrière, aux fonctionnaires (ex. : instituteur, douanier, employé des p.t.t. …), aux commerçants, aux mineurs… Ceci est un atout car ces dossiers permettent de débloquer des impasses qui surgissent parfois dans l’état civil. C’est aussi un moyen d’étoffer vos recherches, nous en reparleront plus loin. Les professions comme certaines fonctions, les élus, offrent aussi un grand nombre d’occurrences dans la presse, encore un moyen de prolonger les recherches. Néo GENEA sait que l’un de ses arrière-grands-pères fut facteur. Sachant que ces postes étaient la plupart du temps des emplois réservés à d’anciens militaires, il devrait sans mal retrouver les informations essentielles à propos de cet aïeul.  

Quels outils souhaitez-vous utiliser pour faire vos recherches ?

            Comme pour n’importe quelle activité, les outils que vous avez utilisés vont accélérer ou ralentir vos recherches. Depuis quelques décennies la généalogie est passée d’une pratique purement papier/crayon à une diversification des modes de recherche. Après le minitel, la généalogie a explosé avec une multitude de sites, dont l’apparition des dizaines de sites des archives départementales par exemple. On a vu se développer en parallèle une armada de logiciels pour entrer nos données généalogiques et les organiser avec efficacité. Pour certains c’est un gain de temps (pour autant qu’on pense à sauvegarder régulièrement), pour d’autres c’est un enfer. Certaines personnes peinent vraiment à utiliser les outils numériques au risque de passer plus de temps à tenter de maîtriser l’outil qu’à faire de la généalogie. Ne vous imposez aucun outil, si vous souhaitez en apprivoiser de nouveaux prenez votre temps. Nous reviendrons dans un autre article sur les logiciels de généalogie. Il est rare de toute manière de n’utiliser que les outils numériques, nous voguons généralement de l’un à l’autre. Si l’utilisation des sites des archives devient progressivement incontournable et que vous êtes allergique à l’informatique sachez que vous mettrez sûrement un peu plus de temps que votre voisin, mais à force d’entraînement régulier, cela deviendra naturel. Néo GENEA n’a aucun mal avec l’ordinateur mais il lui faudra s’habituer au code de la généalogie : GEDCOM, numérotation sosa automatisée, création d’arbres en ligne. Même avec une grande habitude des écrans et des souris, nous sommes tous débutants au départ.

Avez-vous des implexes dans votre arbre ?

            La question est un peu traître puisque les débutants ignorent souvent ce qu’est un implexe. Vous pouvez vous pencher sur ce problème via un autre article présent sur le blog « Mince alors… Un implexe, une drôle de bête dans mon arbre ? ». Il s’agit d’un ancêtre qui apparaît à plusieurs reprises dans votre arbre, il arrive en effet que des cousins, plus ou moins éloignés, se marient entre eux. Vous pourrez dons vous trouver avec des branches déjà faîtes. Réfléchissez bien, ne vous a-t-on pas dit que vos grands-parents avaient un lointain lien de parenté ? Ou que telle cousine venait des mêmes hameaux que son fiancé, où résidaient les mêmes familles depuis des décennies ? Il se pourrait bien qu’un implexe se cache derrière ces souvenirs de famille. Dans ce cas vous gagnerez du temps, mais n’oubliez pas, la généalogie n’est pas une course. Néo GENEA ne le sait pas encore mais ses grands-parents maternels se sont rencontrés à la noce d’un cousin. Il se trouve qu’en remontant, il découvrira qu’ils ont effectivement un arrière-grand-père en commun. Une branche qui apparaîtra donc en double s’il décide finalement de remonter plus haut dans son arbre.  

Comment définissez-vous un arbre généalogique complet ?

            On touche là au point le plus important, les généalogistes n’auront jamais une définition unanime de l’arbre généalogique complet. Nous n’avons pas les mêmes objectifs quand nous nous lançons et au fil de nos découvertes ils ont tendance à changer. Quand les généalogistes commencent, leurs motivations sont souvent très différentes : retrouver le plus ancien porteur de notre nom de famille, reconstituer une fratrie, retracer le parcours professionnel d’un grand père. Nos fiches sont plus ou moins détaillées, on peut se contenter du trio de base (naissance, mariage, décès) ou vouloir rentrer dans les détails. Là encore, chacun aura ses marottes : les professions, les domiciles, les fratries, les parcours militaires. Vos choix seront plus ou moins décisifs mais ne présagent pas des difficultés que vous pourriez rencontrer. Néo GENEA, pressé par l’échéance de son cadeau, veut se concentrer pour remonter seulement à ses arrière-arrière-grand parents. Il souhaite tout de même détailler au maximum le parcours de chacun. Il se retrouve rapidement noyé sous les informations quand il entame des recherches sur son arrière-grand-mère. En cherchant dans la presse ancienne, il découvre en effet qu’elle a été mêlée à une affaire douteuse et qu’il y a eu un procès. Parfois nous sommes ralentis dans nos recherches par la masse des données à trier. L’obstacle en généalogie ce n’est pas toujours la difficulté à trouver une date.

La généalogie n’a pas de fin.

            Vous l’aurez compris, personne ne peut savoir combien de temps il vous faudra pour apprivoiser la généalogie, ni les particularités qui vous mèneront à des recherches hors-norme. On ignore aussi combien de temps vous y consacrerez par semaine. Par ailleurs, en une heure on peut parfois reconstituer une famille comme ne pas trouver un seul acte. Une chose est certaine, la généalogie vous apprendra la patience. Plus vous creuserez, plus vous aurez envie d’explorer des pistes dont vous n’envisagiez même pas l’existence. Nous avons ici concentré nos questions sur la généalogie ascendante mais vous pouvez aussi prolonger la recherche avec la généalogie descendante en cherchant par exemple tous les enfants et petits-enfants de vos arrière-grands-parents. On sait quand on commence sa généalogie, mais jamais quand on la termine. Vous ferez sûrement des pauses durant vos recherches, et si ce n’est pas vous qui reprenez cette quête historique, un autre membre de la famille le fera peut-être.

            Je vous souhaite d’être aussi passionné que moi et mes élèves. Nous nous retrouverons le mois prochain pour un autre « Mince alors… » où nous nous interrogerons sur le coût de cette activité.

            Bonnes recherches à tous.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire