mardi 11 novembre 2025

Un autre regard sur le 11 novembre 1918 en 200 photos

 


            Le 11 novembre, le Memo propose toujours un article en lien avec les commémorations, cela peut-être un film, un livre, un cours en ligne... Cette année nous avons pris un peu d’avance avec un article, en octobre, sur les monuments aux morts et la recherche de nos aïeux qui y sont inscrits. C’est un livre qui sera à l’honneur, dont le titre impose de l’évoquer aujourd’hui : 11 Novembre 1918 de Marc Ferro (Perrin). Un très beau livre, il se distingue par 200 photos d'une grande qualité qui sortent des clichés de tranchées, devenus malheureusement trop communs. 

            L’ouvrage est un peu inclassable, couverture souple, grand format (à mi-chemin entre un A4 et un A3), papier glacé ; il se grignote, les rubriques peuvent se lire dans l’ordre qui nous intéresse, au fil de nos questionnements du moment. Chaque double-page est une petite fenêtre qui peut nous donner envie de creuser différents aspects précis de la guerre. Voici donc pour l’objet que nous propose Marc Ferro en 2008, à l’occasion des 90 ans de l’armistice, passons au contenu. N'oublions pas que Marc Ferro est né en 1924 et que c'est le regard d'un enfant de l'entre-deux-guerres qui connaîtra les tourments de la seconde guerre mondiale (sa mère est morte en déportation) qui nous raconte sa perception du 11 novembre

            Le livre se divise en six parties inégales qui se donnent pour mission de comprendre cette date charnière du 11 novembre. La première partie évoque la façon dont est vécu ce jour par les soldats, les populations dans les différents hémisphères (il y a même une photo en Australie), les gradés et les politiques. Les photos qui illustrent les textes synthétiques évoquent bien la liesse de l’arrière qui contraste avec l’ambiance du front. L’auteur souligne l’amertume qui peut exister dans la boue des tranchées alors que l’imaginaire collectif voudrait conserver uniquement une image de délivrance. Là est l’essence même du livre, apporter de la nuance, les images sont des soutiens à un texte précis sans être indigeste.

            La deuxième et la troisième partie sont plus classiques. On s’y attarde d’abord sur les stratégies militaires qui amènent à la victoire des alliés. Marc Ferro se consacre ensuite à la chute des empires et des familles dirigeantes, puis au tracé des nouveaux états. Si les photos sont plutôt un prétexte, la valeur ajoutée de ces deux parties repose sur une série de cartes sans fioritures qui permettent de bien comprendre les conséquences territoriales des différents traités.   

            La quatrième partie s’intéresse au traumatisme de la guerre sur les populations. Là aussi il s’agit plutôt d’ouvrir des pistes de réflexion pour les lecteurs qui pourront par la suite trouver des ouvrages plus spécialisés sur les différents sujets. Du sort des prisonniers allemands à celui des tirailleurs dont on ne sait que faire, en passant par la place des femmes, Marc Ferro interroge les mutations de la société induites par tout ce que les traités ne peuvent consigner. Là encore, à l’aide de différents chiffres mais aussi d’images rares, l’historien nuance les idées reçues sans les attaquer frontalement sur des sujets délicats comme celui des veuves de guerre.

            La cinquième partie est celle qui a le plus mal vieilli, le livre a presque 18 ans. Dans ce chapitre, Ferro s’attarde sur la construction du souvenir et des commémorations. On appréciera particulièrement la page consacrée aux soldats inconnus, qui permet de rappeler que les différents belligérants ont chacun cherché le leur. La question des fusillés et de leurs mémoires est aussi mise en avant mais bien sûr, depuis la sortie du livre, la question a fait du chemin, nous en avons parlé dans le dernier article du blog sur les monuments aux morts. Le livre se ferme sur une dernière partie qui dresse les portraits de huit hommes qui marqueront la guerre suivante. Par exemple Mussolini, De Gaulle, Hitler, Tito voient leurs trajectoires définitivement inclinée par ce 11 novembre 1918. Un peu artificielles et trop peu développées ces dernière pages n’apportent pas grand-chose à l’ouvrage.



            Le livre de Marc Ferro est une belle réflexion sur cette date qui n’est pas seulement la fin d’une guerre mais une étape dans les nouvelles relations entre les états. Un livre à mettre entre toutes les mains, je pense aussi à mes élèves de lycée. Avec le conflit de 14-18, on rebat les cartes mais la partie qui se joue entre les pays est loin d’être alors terminée, Marc Ferro a la bonne idée de rappeler cette expression qu’il attribue à De Gaulle, « La guerre de trente ans » (1914/1944).


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire